Afghanistan : comment expliquer les attaques au sein des forces alliées ?
Quatre soldats français ont été tués vendredi par un individu vêtu d'un uniforme afghan. Soldat ou taliban inflitré ? La première piste semble privilégiée.
"Ils ont été assassinés." Gérard Longuet, le ministre de la Défense français, n'a pas mâché ses mots pour expliquer la mort de quatre soldats français en Afghanistan vendredi 20 janvier. Selon les autorités françaises, ils ont été tués par un homme vêtu d'un uniforme afghan. Mais "on ne sait pas pour l'instant s'il s'agit d'un taliban infiltré" ou d'un soldat afghan, a précisé Gérard Longuet.
La réaction des talibans semble accréditer la première piste. Ils ont salué le geste du "soldat afghan patriote" mais n'ont pas, contrairement à leur habitude, revendiqué cette attaque. "L'Emirat islamique de l'Afghanistan [le nom que se donnent les talibans, ndlr] a dans le même temps infiltré ses moudjahidines dans les rangs de l'ennemi, qui ont conduit des attaques similaires par le passé", s'est contenté de rappeler le porte-parole du mouvement, sur le site "Voice of Jihad" (la voix du Jihad).
"Profonde animosité entre les forces supposément alliées"
Selon le New York Times (article en anglais), cette attaque révèle des tensions accrues entre la coalition et les soldats afghans qu'elle forme et aux côtés de laquelle elle se bat. Le quotidien américain, qui a obtenu un rapport classifié de la coalition, évoque vendredi un nombre croissant d'attaques mortelles motivées par une "profonde animosité entre les forces supposément alliées".
Intitulé Une crise de confiance et d'incompatibilité culturelle, le rapport présente ces violences comme le symptôme le plus visible d'un mépris entretenu par les deux camps l'un pour l'autre. La diffusion sur Internet d'une vidéo montrant des marines américains uriner sur les cadavres d'insurgés afghans aurait porté la tension à son comble, selon le quotidien.
Attention, ces images peuvent choquer.
"Ces altercations mortelles ne sont clairement pas rares ou isolées", souligne le rapport, qui dénonce la tendance des officiels de l'Otan à minimiser l'ampleur du phénomène. Toujours selon le New York Times, le document estime que le rôle des talibans infiltrés est moindre qu'avancé par les autorités. Au moins 58 soldats occidentaux ont été tués entre mai 2007 et mai 2011 par des soldats et des policiers afghans au cours de 26 attaques.
Conditions de recrutement à revoir
Le 29 décembre, deux légionnaires français avaient été abattus délibérément par un soldat de l'armée nationale afghane dont ils assuraient la formation.
Le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé a ainsi réclamé des "assurances crédibles" sur le recrutement des soldats afghans. Selon Pierre Servent, journaliste spécialiste des questions de défense, ces conditions de recrutement peuvent toutefois favoriser l'infiltration des talibans, un phénomène qu'il ne faut pas sous-estimer.
Gérard Longuet est attendu dans la journée de vendredi en Afghanistan pour faire toute la lumière sur cet évènement. S'il s'avère que les conditions de sécurité ne sont pas clairement établies, un retour anticipé des troupes françaises sera très sérieusement envisagé.
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