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Terrorisme et données chiffrées : pourquoi Apple a un pépin avec le FBI

La marque à la pomme ne cède pas dans son bras de fer avec le FBI, qui veut l'obliger à déverrouiller un iPhone au nom de la lutte contre le terrorisme.

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Un homme manifeste en soutien à Apple, à Washington, le 23 février 2016, en affichant sur son téléphone un message adressé aux autorités : "FBI, ne déchiffre pas nos téléphones." (PAUL J. RICHARDS / AFP)

D'abord la justice, puis le Congrès. Apple réplique devant le tribunal, jeudi 25 février, dans le bras de fer qui l'oppose au FBI. Les autorités veulent obliger le groupe à débloquer l'iPhone de Syed Farook, l'un des deux auteurs de l'attentat de San Bernardino, en décembre, en Californie. A la lutte contre le terrorisme, Apple rétorque par la protection des données de ses utilisateurs. La semaine prochaine, c'est devant le Congrès que le patron de l'entreprise, Tim Cook, s'expliquera.

Comment l'affaire a-t-elle débuté ?

Le 2 décembre 2015, une fusillade éclate à San Bernardino, en Californie. Le couple de tireurs, Tashfeen Malik et Syed Farook, tue 14 personnes avant d’être abattu par la police. Les enquêteurs s'emparent d'un iPhone, téléphone professionnel de Syed Farook. Mais deux mois plus tard, ils n'ont toujours pas réussi à accéder au contenu chiffré du mobile.

Le département de la justice californienne a montré, dans un rapport cité par ABC, que le mot de passe du compte iCloud de Syed Farook avait été réinitialisé par son employeur, "à la demande de la police". Ce qui a eu pour effet de verrouiller tout accès aux données chiffrées du téléphone.

Que demande le FBI à Apple ?

Les propriétaires d’iPhone peuvent protéger leur téléphone avec un code, qui enclenche le chiffrement des données. Au bout de 10 tentatives erronées, ces dernières sont effacées. Le FBI souhaite faire sauter toutes ces barrières. Pour Apple, le FBI réclame, en effet, une "backdoor" ou porte dérobée : un outil qui permettrait d'installer sur le téléphone une mise à jour du système d’exploitation iOS, entrainant une disparition de cette importante protection, pour accéder librement aux données.

Pourquoi Apple résiste-t-il ?

Si Apple crée cet outil pour le gouvernement, alors des personnes mal intentionnées pourraient l'utiliser pour accéder aux données des utilisateurs. C'est ainsi que la marque à la pomme justifie son refus d'accéder à la requête du FBI. "Le gouvernement suggère que cet outil pourrait n'être utilisé qu'une seule fois, a souligné Tim Cook. Mais ce n'est tout simplement pas vrai. Une fois créée, la technique pourrait être utilisée à l'infini, sur tous types d'appareils." Le FBI demande à Apple "d'écrire un logiciel équivalent au cancer", justifie encore le patron d'Apple, décidé à ne pas céder à une demande "dangereuse".

Google, Twitter, Microsoft et Facebook prennent sa défense, en insistant sur la protection de la vie privée, sur la nécessité de disposer de technologies de chiffrement sûres et sur le risque d’abus. Le patron de Facebook, Mark Zuckerberg "ne pense pas que demander une 'porte dérobée' va être efficace pour augmenter la sécurité".

Pourquoi le FBI insiste-t-il ?

Au nom de la lutte contre le terrorisme, le FBI estime qu'Apple doit coopérer avec les autorités et assure que personne n'a demandé à l'entreprise de fournir un logiciel qui pourrait être utilisé par des pirates informatiques. "Nous ne voulons pas casser le chiffrement, ou jeter une clé dans la nature", affirme le patron du FBI, James Comey. Devant la justice, il a reconnu que la question du chiffrement inviolable était "la question la plus difficile en matière de gouvernement" qu'il ait jamais connue. La police "sauve des vies" grâce à des mandats de recherche dans des téléphones portables, et "nous allons entrer dans un monde où ce ne sera plus possible", a-t-il déploré.

Sans surprise, le patron de la CIA, John Brennan, juge la demande "légitime". Plus étonnant, Bill Gates, fondateur et ancien PDG de Microsoft, estime que le FBI demande à Apple la même chose que lorsqu'il réclame "des informations à un opérateur téléphonique ou à une banque". "Je pense qu'avec les protections adéquates, il y a des cas où le gouvernement peut agir en notre nom, par exemple pour freiner le terrorisme, et que c'est une bonne chose", a-t-il expliqué.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Le Congrès compte entendre les différentes parties lors d'une audition prévue mardi 1er mars. Apple sera représenté par son vice-président chargé des questions légales et gouvernementales, Bruce Sewell, et le FBI par son patron, James Comey. Ensuite, Tim Cook est décidé à évoquer le dossier avec le président américain Barack Obama. Il assure qu'il est même prêt à faire remonter l'affaire jusqu'à la Cour suprême.

Apple a-t-il une chance de gagner ce bras de fer ?

Difficile à dire. L'affaire a, en tout cas, relancé les débats aux Etats-Unis sur la protection des appareils électroniques et ses conséquences. Elle provoque la colère des défenseurs des libertés civiles, qui craignent que la demande du FBI ne débouche sur une surveillance débridée dans un pays déjà secoué ces dernières années par les révélations sur l'espionnage à grande échelle mis en place par l'Agence de sécurité nationale américaine (NSA). D'autres reprochent, à l'inverse, au groupe d'entraver une enquête vitale pour la sécurité nationale.

Quoi qu'il en soit, d'après le New York Times (en anglais), les ingénieurs d'Apple seraient de toute façon déjà en train de développer de nouvelles mesures de sécurité qui compliqueraient encore davantage le déblocage de l'iPhone.

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