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Michelle Bachelet, l'icône réformatrice à nouveau dans l'arène

Fille d'un général de l'aviation torturé par la junte militaire, Michelle Bachelet, 62 ans, a toujours veillé à rassembler les Chiliens meurtris par les années Pinochet. Après un premier mandat présidentiel en demi-teinte, elle postule à nouveau pour présider le pays. Son but: résoudre les inégalités sociales. Elle vient de remporter le premier tour de la présidentielle avec 46,74% des voix.
Article rédigé par Jean-Claude Rongeras
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Michelle Bachelet prononce un discours à Santiago, au Chili, le 17 Novembre 2013. Elle vient de remporter le premier tour de la présidentielle face à la candidate de droite, Evelyn Matthei.  (AFP PHOTO / Claudio Reyes)

Elle devra en passer par un second tour le 15 décembre pour retrouver le siège de la présidence chilienne. Et ce, même si le second tour devrait être une formalité pour la candidate de Nueva Mayoria (Nouvelle majorité), une coalition allant des communistes aux chrétiens démocrates.

Elle devient en 2006 la première présidente du Chili
Michelle Bachelet a marqué l’histoire de son pays en devenant, en 2006, la première femme présidente du Chili, après quatre gouvernements de centre-gauche qui ont succédé à la dictature d’Augusto Pinochet. Elle s’est alors illustrée en œuvrant prioritairement pour la réconciliation nationale et pour les droits des femmes. Son retour sur la scène nationale marque son envie d’accomplir ce qui n’a pas été fait lors de son premier passage au palais de la Moneda.
 
Son élection au soir du 5 févier 2006 avait été marquée par une grande fête sur l’avenue de l’Alameda, à Santiago, où s’étaient retrouvées des femmes de toutes origines sociales et de tous âges. Elles espéraient que leur sort, par rapport à la domination masculine ambiante, allait être notablement amélioré. Elles avaient raison. En quatre ans, le modèle hommes-femmes a basculé dans la modernité. Egalité des salaires, pilule du lendemain, prise en compte de la violence contre les femmes, et arrivée de celles-ci dans la sphère politique et publique. Seule la parité au Parlement n’a pu être conquise.
 
Partie en 2012 pour prendre la tête de l’ONU Femmes – la Constitution chilienne interdit de faire deux mandats présidentiels successifs –, Michelle Bachelet a conservé toute sa popularité intacte auprès de son peuple.
 
Ce destin réussi au service d’une nation résulte d’un parcours où le travail, les convictions et l’histoire du pays sont très fortement liés.

Une carrière surprise
Membre des Jeunesses socialistes du temps de Salvador Allende, la jeune Michelle Bachelet perd son père, général d’aviation au service du gouvernement d’union populaire, victime d’une crise cardiaque à la suite des tortures infligées par les hommes d’Augusto Pinochet. Après avoir connu quelques jours les geôles de la dictature, Michelle et sa mère choisissent  l’exil. C’est en Allemagne de l’Est que la jeune femme commence ses études de médecine. 

Après son retour au pays, elle obtient son diplôme de chirurgien en 1982. Dans les années 1990, alors que Pinochet a été chassé du pouvoir, elle est consultante au ministère de la Santé. Loin de se contenter de ses acquis, percevant l’importance des politiques de défense dans la vie publique, elle entame des études de stratégie militaire qui la conduisent à Washington où elle obtient un titre dans un institut militaire. 
 
Militante disciplinée, consultante pour les questions de santé, son ascension commence lorsqu’elle est choisie en 1996 pour représenter la Concertation démocratique (coalition de chrétiens-démocrates et de socialistes) aux élections municipales d’un district de Santiago, Las Condes. 


Sa popularité dans les sondages lui vaut d’être désignée par le président Ricardo Lagos, dont elle fut la directrice de campagne, comme ministre de la Santé en 2000 avec la tâche d’améliorer la qualité et la couverture des soins médicaux. Elle acquiert une soudaine notoriété en 2003 lors de grandes tempêtes où elle surveille l’aide que les militaires apportent à la population. Lagos, qui croit en sa bonne étoile, la nomme ensuite ministre de la Défense. Grâce à sa connaissance des affaires militaires, elle réussit le tour de force de normaliser les rapports entre le gouvernement civil et les forces armées.
 
Pour les politologues, le succès de cette mère de trois enfants, nés hors mariage – un challenge dans un pays catholique –, vient de la solidarité qu’elle montre en permanence envers la population, de son plaidoyer pour le rassemblement afin de surmonter le passé. Une femme chaleureuse, pragmatique, qui avoue les difficultés des buts qu’elle se propose d’atteindre.
 
En raison de ses talents et de sa popularité, elle est présentée par la Concertation à l’élection suprême. Michelle Bachelet qui fait face à l’ultra-conservateur Joaquim Lavin devient présidente du Chili, bénéficiant de la popularité de son prédécesseur et du boom du pays, tiré par la hausse du prix du cuivre, dont il est le premier producteur.
 
Finir le travail, un devoir
En 2010, à la fin de son mandat, Michelle Bachelet, a mis en avant les valeurs de solidarité qui fait ont leurs preuves lors du tsunami du 27 février 2010, estimant que les «tâches les plus urgentes sont résolues». Plus proche du président brésilien Ignacio Lula que de ses confrères sud-américains «nationalistes», l’image rassurante de Bachelet a bien fonctionné dans ce pays néolibéral.
 
Pourtant, nombre d’analystes estiment quelle n’a pas réussi à réduire l’écart entre les riches et les pauvres, que la gestion du tremblement de terre est sujette à critique. D‘autre part, le mouvement de révolte des étudiants conte la cherté des études a commencé durant son mandat sans qu’elle y prête une oreille attentive. Des pierres dans son jardin.
 
En avril 2013, l’ex-présidente a annoncé sa candidature à l’élection du 17 novembre. «Un défi», assure-t-elle, expliquant vouloir rassembler «une nouvelle majorité politique et sociale» pour affronter le «malaise citoyen croissant» dans le pays. Après le mandat du milliardaire Sebastian Pinera, 53% des Chiliens sont favorables à son retour au pouvoir. A côté des dirigeants qui l’attendaient à l’aéroport en provenance de New York, quelques centaines de partisans, en majorité des femmes, scandaient «On le sent, on le sent Michelle président». Grâce à ses récentes fonctions, elle doit «faire usage au niveau international de sa nouvelle notoriété», indique Elodie Brun, docteur en sciences politiques.
 
Une certitude, elle doit tordre le cou à sa nature réservée, car l’opinion chilienne lui reproche son manque de prise de position comme en 2012 lors de l’affaire Harold Beyer. Cet ancien ministre de l’Education, récemment suspendu, est accusé d’avoir laissé les universités faire des profits, ce qui est interdit par la loi.
 
Si Michelle Bachelet fend l’armure, elle dispose d’un boulevard pour mener à bien les réformes sociales qu’elle appelle de ses vœux.

Affrontements entre étudiants et policiers à Santiago, le 11 avril 2013. (AFP/CLAUDIO SANTANA)

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