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Nucléaire iranien : le casse-tête israélo-américain

Les Etats-Unis et Israël s'opposent sur la stratégie a adopter dans un contexte marqué par des spéculations sur une possible attaque israélienne contre l'Iran.

Article rédigé par franceinfo
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Le président américain, Barack Obama, et le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, le 5 mars 2012 à Washington (Etats-Unis). (SAUL LOEB / AFP)

Ils sont d'accord sur le fond mais pas sur les moyens. Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a répété mardi 6 mars qu'Israël resterait "maître de son destin" face à la menace posée selon lui par le programme nucléaire iranien. Une position qui embarrasse l'allié américain mais aussi les pays du Golfe, soutiens des Etats-Unis dans la région. Pendant ce temps, l'Iran avance ses pions. FTVi vous aide à y  voir plus clair.

Israël pousse à l’action

Reçu lundi à Washington par Barack Obama, Benyamin Netanyahu a exposé la position de l'Etat hébreu. Mark Landler, correspondant du New York Times à la Maison Blanche, rapporte ce qui a filtré de leur entretien dans le bureau ovale.

Le Premier ministre israélien a répété qu'Israël n'avait pas encore pris la décision de frapper l’Iran. Mais il a exprimé "son profond scepticisme" : "il ne croit pas que les pressions internationales vont persuader les dirigeants iraniens d’abandonner le développement d’armes nucléaires".

Benyamin Netanyahu estime que "les Occidentaux ne devraient pas rouvrir les pourparlers avec l’Iran tant qu’ils n’auront pas obtenu un accord sur une suspension vérifiable des activités d’enrichissement d’uranium".

Au lendemain de cette discussion, le Premier ministre israélien, qui achève sa visite aux Etats-Unis, a prévenu que son pays ne vivrait pas dans "la menace d'un anéantissement"Haaretz expose d'ailleurs un "complot" fomenté par le camp Netanyahu pour pousser les Etats-Unis à la guerre. Les comploteurs attendraient le "moment idéal""entre début juin et mi-août, juste avant l’investiture du candidat républicain pour la présidentielle américaine", poursuit le quotidien israélien.

L’allié américain veut gagner du temps

"Nous pensons qu'il reste une fenêtre pour un règlement diplomatique", a répondu le président américain au Premier ministre israélien.

"L'objectif des Etats-Unis est de 'gagner du temps'", rapporte sur son blog Corine Lesnes, correspondante du Monde à Washington, qui cite cette confidence du conseiller diplomatique du vice-président, Antony Blinken.

En pleine campagne présidentielle et face aux attaques des républicains qui lui reprochent, à l'instar de Mitt Romney dans le Washington Post, son manque de fermeté sur le dossier du nucléaire iranien, Barack Obama ne choisit pas mais "se dédouane" tout de même en recevant son allié, estime la journaliste. 

Le timing est très mal choisi, confirme Aaron Miller, du Woodrow Wilson Center, dans un article du Figaro. "Après dix années de guerre, en Irak et en Afghanistan et à l'approche de la présidentielle, ouvrir un nouveau front ne serait pas très populaire. (...) En pleine hausse des prix de l'essence à la pompe, Obama touche aussi une corde sensible quand il rappelle que les bruits de bottes font grimper le prix de l'essence, et donnent aux Iraniens les moyens financiers de poursuivre leurs ambitions nucléaires."

Des deux côtés, on redoute les conséquences d'une attaque

L’ancien porte-parole du département d'Etat américain à la Défense explique à la BBC que la présidence américaine est aussi soucieuse de "ce qui pourrait arriver après une intervention militaire""Même une frappe ciblée risquerait de déclencher un vaste conflit", écrit P. J. Crowley, qui énumère les zones sensibles et les cibles éventuelles : "la Syrie, le Liban, la bande de Gaza, l’Egypte, le Yémen" et "les 89 000 soldats américains encore présents en Afghanistan"

"Israël serait bien inspiré de méditer une déclaration de Barack Obama, avertit Haaretz dans son éditorial : 'En tant que président et commandant en chef des armées, je préfère de loin la paix à la guerre'."

"Si les Etats-Unis décident finalement de faire le sale boulot et d’attaquer les réacteurs nucléaires iraniens, les citoyens israéliens devront en payer le prix", poursuit le journal, qui dénonce "le bal masqué d’Obama et Netanyahu à la Maison Blanche".

L’inquiétude des pays du Golfe, en première ligne

Les pays du Golfe, alliés des Etats-Unis, sont convaincus qu'une nouvelle guerre serait une catastrophe. "L'inquiétude monte face à la menace du programme nucléaire iranien", explique Le Figaro.  

Et si le Qatar "tente de convaincre les Américains de tout faire pour empêcher Israël de bombarder l'Iran", c'est pour une raison très simple : le gaz. Le Qatar exploite en effet un immense champ gazier sous-marin qu'il partage avec l'Iran. "Une guerre remettrait en cause la fabuleuse richesse de l'émirat, unique source de puissance et d'influence pour cet Etat, analyse le quotidien. Le jeu actuel de l'émir est donc de convaincre les Américains de tout faire pour retenir leur ami israélien de frapper l'Iran."

L'Arabie saoudite, puissante voisine du Qatar, n'est pas rassurée non plus, mais pas pour les mêmes raisons. "La plus riche et la plus puissante pétromonarchie arabe s'inquiète ouvertement du renforcement des capacités militaires iraniennes depuis dix ans", poursuit Le Figaro. Le roi Abdallah d'Arabie saoudite encourage donc de longue date les Américains à bombarder l'Iran.

L'Iran joue aux échecs

"L'accession à l'arme atomique n'est plus une affaire d'aptitude ou de moyens mais de volonté politique", analyse dans Le Figaro Ran Halévi, directeur de recherche au CNRS. Et cette volonté politique est "celle de l'ayatollah Khamenei, lequel, apparemment, s'est bien gardé jusqu'ici de franchir le pas".

C’est une partie d’échecs et nul ne sait qui va l’emporter. Dernier coup en date, mardi 6 mars : l'Iran annonce qu'il va autoriser des experts de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) à se rendre sur le site militaire de Parchin, sans fournir de date.

La République islamique est soupçonnée d'effectuer sur ce site des recherches dans le domaine des explosifs susceptibles d'entrer dans le cadre d'un programme d'armement nucléaire. L'AIEA a demandé en février à avoir accès à Parchin, situé au sud-est de Téhéran, mais les autorités iraniennes avaient alors rejeté cette requête.

Pour Ran Halévi, c'est "une intense guerre des mots" dans laquelle "il n'est pas toujours aisé de démêler les faits vérifiables des effets recherché".

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