Cet article date de plus de neuf ans.

Guatemala: contre la corruption, les électeurs parient sur un candidat comique

Coups de théâtre en série au Guatemala. Après la démission forcée et l'incarcération début septembre 2015 du président Otto Pérez Molina, impliqué dans un colossal scandale de corruption, voilà que les électeurs ont placé en tête du premier tour de l'élection présidentielle Jimmy Morales, un comique de télévision dépourvu d'expérience politique. Un choix en forme de pied de nez à l'establishment.
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Jimmy Morales, humoriste et candidat inexpérimenté présenté par le parti de droite FCN-Nacion à l'élection présidentielle au Guatemala, est arrivé en tête au premier tour. Verdict le 25 octobre 2015. (REUTERS/Jorge Dan Lopez)

«La chance sourit aux débutants», se plaît à commenter la presse guatémaltèque, unanime à l'évocation du score de Jimmy Morales. A 46 ans, celui dont le CV vante les qualités d'acteur, de réalisateur et de producteur, a réuni 23,89% des voix à l'issue du premier tour du scrutin, le 6 septembre, selon les résultats disponibles portant sur 98,32% des suffrages.

Doublant largement le favori de longue date – l'homme d'affaires millionnaire Manuel Baldizon, 45 ans – le novice se paie même le luxe, deux jours après la fermeture des bureaux de vote, d'assister au départage difficile pour la deuxième place au second tour. Qui de M.Baldizon (Lider, droite, 19,59%) ou de Mme Sandra Torres, 59 ans, ex-première dame (UNE, social-démocrate, 19,68%) sera l'adversaire de Morales? Seuls quelques milliers de voix sur 5,3 millions de votants séparent les deux prétendants. Du jamais vu au Guatemala.

Selon le tribunal électoral, qui donnera les résultats définitifs sous cinq jours, une chose est sûre, la participation est un «record» à 70,7%, déjouant les pronostics d'abstention – mais aussi de violence – liés à l'exaspération de la population.

Indignés par la corruption endémique du pouvoir – illustrée de façon spectaculaire par le récent scandale de malversations douanières gigantesques s'élevant à près de 4 millions de dollars, qui a obligé le président Otto Pérez à finalement démissionner –, les électeurs ont préféré miser sur un candidat étranger au monde politique.


«Pas corrompu, pas voleur»
Connu pour le personnage naïf de «Neto» qui, dans un film, a failli devenir président par accident avant d'y renoncer à la dernière minute, Jimmy Morales pourrait bien voir son destin passer de la fiction à la réalité. Verdict le 25 octobre.

«Malgré l'absence de ligne programmatique claire, le profil atypique et l'absence d'expérience politique de Jimmy Morales ont clairement joué en sa faveur», observe Kevin Parthenay, chercheur à l'Opalc, l'observatoire sur l'Amérique latine de Sciences Po Paris, cité par l'AFP. Son slogan «pas corrompu, pas voleur» semble avoir suffi à convaincre l'électorat de donner une leçon aux représentants traditionnels de la classe politique dont il n'y aurait rien à attendre d'honnête. Le candidat Baldizon, membre d'un parti impliqué dans des affaires de corruption et de blanchiment d'argent, est déjà en train de faire les frais de cette nouvelle donne.

Simplement vêtu du maillot de l'équipe nationale de football, Morales, soutenu par la formation de droite FCN-Nacion, s'est plu, dès son avance connue, à lancer un appel au rassemblement politique, à l'exception des «personnalités signalées pour actes de corruption».
 
Apprécié pour son humour, l'homme rompu à la communication audiovisuelle séduit. «Pendant 20 ans je vous ai fait rire, je vous promets que si je deviens président, je ne vais pas vous faire pleurer», lance-t-il en guise de projet aux 15 millions et demi de Guatémaltèques.

Les citoyens veulent une refonte profonde du système politique
Cependant, malgré la défaite infligée au premier tour à la classe politique traditionnelle, «la crise ne se termine pas là, désormais il faut surveiller les nouveaux élus (députés et maires, NDLR) et pour cela il faut que continue et se renforce» le mouvement social, estime Renzo Rosal, analyste indépendant, faisant allusion à la mobilisation citoyenne sans précédent et pacifique, dans l'un des pays les plus violents au monde qui, depuis avril 2015 et la révélation du scandale de corruption douanière touchant les plus hautes sphères de l'Etat, réclamait le départ du président Otto Pérez. C'est dire si sa chute a été accueillie par des scènes de liesse populaire.

Aujourd'hui, alors que l'élection présidentielle prévue n'a pu être repoussée, beaucoup exigent une refonte du système politique pour le purger de toutes les habitudes véreuses. Accompagnant le vent nouveau, Alejandro Maldonado, 79 ans, président par intérim jusqu'au 14 janvier et conservateur comme Otto Pérez a lui aussi plaidé pour une réforme de la loi électorale avant le second tour, le 25 octobre.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.