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Dans le Chili de Pinochet, la musique de Dalida était un instrument de torture

Selon une étude britannique, la musique de la diva, entre autres, était infligée à haute dose aux prisonniers pour les briser psychologiquement.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
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Des portraits de victimes de la dictature de Pinochet, le 10 septembre 2013 à Santiago (Chili). (MARTIN BERNETTI / AFP)

Les tubes de Julio Iglesias, Gigi l'Amoroso de Dalida, la bande originale d'Orange mécanique ou encore My Sweet Lord de George Harrison étaient des instruments de torture dans le Chili de Pinochet. Une étude britannique, publiée mercredi 11 septembre à l'occasion du 40e anniversaire du coup d'Etat du dictateur chilien, révèle que ces chansons étaient infligées à haute dose pour briser psychologiquement les prisonniers.  La dictature (1973-1990) a fait plus de 3 200 morts, 38 000 torturés et des centaines de disparus.

S'appuyant sur le témoignage d'anciens prisonniers et d'un membre des services secrets chiliens sous Pinochet, elle met en lumière une pratique régulièrement reprochée aujourd'hui à l'armée américaine. "Jouées à plein volume pendant des journées entières, des chansons à l'origine populaires ont été utilisées pour infliger des dommages psychologiques et physiques", explique l'auteure de l'étude, Katia Chornik.

Un centre de torture surnommé "la discothèque"

Un ancien détendu raconte comment ses geôliers avaient l'habitude d'entonner le Gigi l'Amoroso de Dalida avant de l'emmener à l'interrogatoire et de le torturer avec la même chanson en fond sonore. "Un centre de torture dans la rue d'Iran était appelé 'la discothèque' par les agents. La musique servait aussi à couvrir les cris des prisonniers", ajoute Katia Chornik.

"La musique était présente 24 heures sur 24. Ils allumaient la radio et passaient tout ce qui était à la mode. Dans les camps de prisonniers, ils mettaient de la musique militaire pour nous faire marcher au pas et ils nous obligeaient à chanter", confirme Carlos Reyes-Manzo, un photographe chilien résidant à Londres, emprisonné pendant deux ans sous Pinochet.

Mais, toujours selon l'étude, qui cite le cas d'une chorale dans le centre de détention de Tres Alamos, la musique a aussi permis aux détenus de tenir le coup et de trouver le courage de supporter les brimades. "Beaucoup de prisonniers n'avaient plus d'existence officielle et étaient voués à disparaître sans laisser de trace. Les chansons étaient une manière de rappeler qui ils étaient et en quoi ils croyaient", raconte Katia Chornik.

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