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Barack Obama au pied du "mur budgétaire"

Aux Etats-Unis, républicains et démocrates doivent se mettre d'accord sur la politique budgétaire à adopter d'ici le 31 décembre. Sinon, un mécanisme automatique de rigueur se mettra en place. Mission impossible ?

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Fraîchement réélu, Barack Obama, arrive au Convention Center de Chicago (Illinois), le 7 novembre 2012.  (JASON REED / REUTERS )

ECONOMIE - "Il faut que les Américains les plus riches paient un peu plus d'impôts." Pour son premier discours à la Maison Blanche depuis sa réélection mercredi, le président américain n'a eu d'autre choix que d'aborder, vendredi 9 novembre, le sujet qui fâche : l'économie. Selon lui, pour réduire "sérieusement" le déficit des Etats-Unis, "il nous faut combiner des coupes avec des recettes". Barack Obama doit engager dans quatre jours une série de discussions décisives avec le Congrès, l'appareil législatif du pays. Sa mission ? Eviter que le pays fonce dans le "mur budgétaire".

Francetv info vous dit tout sur ce bras de fer qui opposera démocrates et républicains avec, à la clé, l'avenir de la première puissance mondiale.

Qu'est-ce que le "mur budgétaire" ?

Les Américains parlent eux de "fiscal cliff" (falaise fiscale). L’expression a été prononcée pour la première fois en février 2012 par le président de la Réserve fédérale des Etats-Unis, l’institution garante de la politique monétaire du pays. Invité à s'exprimer devant le Congrès, Ben Bernanke a signalé qu'il fallait s'attendre, "à compter du 1er janvier 2013, à une énorme falaise fiscale constituée de coupes budgétaires et de hausses des impôts".

En d’autres termes, passés les douze coups de minuit le soir du Nouvel an, l’économie toute entière devrait tomber du Grand Canyon, ou, selon la formule française, se retrouver face à un mur.

Pourquoi faut-il trouver un accord avant le 31 décembre ? 

Tout a commencé en août 2011. A l'époque, les membres du Congrès s'étripaient sur la question du relèvement du plafond de la dette, qui atteint déjà 16 000 milliards de dollars (près de 12 500 milliards d'euros). Démocrates et républicains savaient qu'il fallait relever ce plafond, ne serait-ce que pour pouvoir payer les fonctionnaires.

Pour résorber la dette, les républicains militaient plutôt pour des coupes budgétaires, tandis que les démocrates étaient favorables à l'augmentation de certains impôts. Pour mettre d'accord les deux camps, Barack Obama a donc réuni une commission bipartisane rassemblant des membres de la Chambre des représentants ainsi que des sénateurs, soit les deux composantes du Congrès.

Ce "super comité", créé dans le cadre du Budget Control Act of 2011 (équivalent de la Loi de finances française), est parvenu à s'octroyer un délai (infographie en anglais). Il a jusqu'à la fin du mois de novembre pour accoucher d'une loi bipartisane, capable d'entériner une réduction de la dette du pays à hauteur de 1 500 milliards de dollars sur dix ans, explique CNBC (article en anglais). Laquelle devra être votée avant le 31 décembre, minuit.

Que se passera-t-il si aucun accord n'est trouvé ? 

Si la commission ne trouve pas de compromis à temps, la loi prévoit de mettre en œuvre automatiquement des coupes budgétaires (à hauteur de 1 200 milliards) et des hausses d'impôt (estimées à 2% pour la plupart des salariés). Le tout pour un montant de 7 000 milliards de dollars. Une mesure lourde de conséquences.

Sur la fiscalité. Sans accord, le 1er janvier doit marquer la fin d'allègements d'impôts sur le revenu décidés du temps de George W. Bush et prolongés de deux ans en 2010 par Barack Obama et le Congrès. Le taux d'imposition de la tranche la plus basse passerait de 10 à 15%, celui de la tranche supérieure de 35 à 39,6%, détaille Reuters. Au total, près de 90% des Américains verraient ainsi leurs impôts augmenter, prédit le site américain Discovery News.

Sur les dépenses de l'Etat. "Des coupes budgétaires affecteraient plus de 1 000 projets gouvernementaux, estime CNBC, parmi lesquels le budget de la Défense et des programmes sociaux (…), jusqu'en 2022." Le renouvellement des indemnités des demandeurs d'emploi en fin de droits serait alors remis en question, tout comme les subventions allouées aux médecins qui acceptent de soigner des bénéficiaires de Medicare, l'assurance maladie pour les personnes âgées ou modestes, mesure phare du gouvernement Obama. 

Sur l'économie américaine. Les éditorialistes n'ont qu'un mot à la bouche : récession. Selon un rapport (en anglais) du bureau du Budget du Congrès américain (un organe non partisan), de telles mesures précipiteraient le déclin de la reprise économique et provoqueraient une hausse du chômage. "Cette contraction de l'économie entraînera le taux de chômage à 9,1% fin 2013", préviennent ces experts, confirmant, à court terme, une plongée dans la récession. Preuve que la question stresse les observateurs et les acteurs économiques : Wall Street s'est rétractée de plus de 2,5% au lendemain de l'élection d'Obama, anticipant la possible récession à venir.

Quelle est la probabilité de trouver un accord ? 

Mercredi, outre leur président, les Américains ont élu leurs représentants ainsi qu'une partie de leurs sénateurs. Et le rapport de force n'a pas changé au Congrès : les républicains ont gardé la main sur la Chambre, et les démocrates contrôlent toujours le Sénat. Si le législatif n'a jamais été aussi divisé (voir la carte publiée par le site Bloomberg), il est de plus en plus polarisé. Comme le montre un graphique du Washington Post, il y a d'un côté des libéraux très libéraux, et de l'autre des conservateurs très conservateurs. 

Mais cela n'empêche pas les économistes d'être optimistes. Sur 55 experts interrogés par Reuters, 46 pensent qu'un accord sera trouvé. Mais ils divergent sur sa portée, certains pensant qu'il s'agira d'un accord permanent et d'autres qu'il ne réglera les choses que sur une période limitée, trois mois minimum. Dans ces conditions, les analystes de l'agence de notation Standard and Poor's estiment eux à 15% seulement le risque de voir la première économie mondiale se fracasser sur le "mur budgétaire" faute d'accord.

Comment Obama va-t-il s'y prendre ?

Barack Obama l'a assuré dès son premier discours de président réélu : il est "impatient de tendre la main et de coopérer avec les dirigeants des deux partis pour faire face aux défis que nous pourrons surmonter ensemble". "Je veux voir davantage de coopération à Washington", avait-il prévenu quelques jours avant le scrutin.  

Côté républicain, le président de la Chambre des représentants, John Boehner, serait également prêt à négocier, indique le site Politico (article en anglais) – quand bien même le président et lui n'avaient pas su s'accorder en 2011. Il estime que les républicains semblent prêts à accepter le leadership des démocrates. "Boehner prône une extension des taux d'imposition actuels qui puissent s'accompagner de provisions générant de nouveaux revenus, des coupes dans les dépenses de l'Etat ainsi que le lancement précipité d'une réforme de la protection sociale et de la fiscalité dès 2013", assure le site.

Quant au président, "il part du principe que les impôts ne devraient toucher que les familles aux revenus supérieurs à 250 000 dollars par an et, contrairement à ce qu'elle a pu dire dans le passé, la Maison Blanche ne cédera pas sur ce point", poursuit Politico. Par ailleurs, le bureau du Budget du Congrès américain a d'ores et déjà estimé que taxer les plus riches tout en maintenant les taux en place pour les classes moyennes n'affecterait pas la croissance en 2013. Un bon point pour Obama et qui pourrait crisper les républicains.

Car si les débats promettent donc d'être agités, tous les protagonistes sont au moins d'accord sur un point : le compromis est indispensable.

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