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Au Nicaragua, une alternative au canal de Panama ?

Le président nicaraguayen, Daniel Ortega, a signé en juillet 2012 le projet de loi pour la construction d’un grand canal interocéanique à l’image du canal de Panama. Les perspectives économiques du projet font rêver le pays. Mais sa faisabilité est loin d’être prouvée.
Article rédigé par Florencia Valdés Andino
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
La rivière San Juan est pressentie pour accueillir le canal. (DEGAS Jean-Pierre / hemis.fr)

Le projet est pharaonique pour ce petit pays de l’Amérique centrale.  Depuis son indépendance en 1821, le Nicaragua rêve de construire un canal reliant l’Atlantique et le Pacifique. Des travaux avaient même été entrepris et puis abandonnés à la fin du XIXe siècle par le millionnaire américain J.P Morgan.

Les pelleteuses ne sont pourtant pas près de commencer à creuser.  Mais il est déjà prévu que le canal ait une longueur de 200 km, trois fois plus que le canal de Panama. Et il serait vraisemblablement plus profond. La création d'une Autorité du grand canal, composée de six membres nommés par le président et validés par le Parlement, est également envisagée. Le président  Daniel Ortega voudrait même inscrire la loi sur la construction de la voie fluviale dans la Constitution.

Deux entreprises néerlandaises ont été chargées des études préliminaires, qui vont bientôt commencer. D’autres études se poursuivront en 2013. S’en suivront six ou sept années de construction, et trois années pour finaliser les travaux. Le ministre chargé du chantier considère qu’il faudra en moyenne dix ans pour que le canal voie le jour.

Qui va payer l’addition ?
Selon les estimations du gouvernement, le canal représentera un investissement de 30 milliards de dollars, soit quatre fois le PIB annuel du Nicaragua. A eux seuls, les plans vont coûter entre 300 et 350 millions de dollars. Le montant général risque d’être majoré en fonction des résultats des études en cours. Au final, la facture sera mirobolante pour ce pays de six millions d’habitants, dont la moitié vit dans la pauvreté.

Le Nicaragua compte sur le concours des pays qui ont exprimé leur intérêt pour ce chantier : la Russie, la Chine, le Brésil, le Venezuela, le Japon et la Corée du Sud. Se profile d'ores et déjà une bataille entre ces grandes puissances pour les profits du canal. Mais leur participation au projet n’est pas tout à fait confirmée. Pour l’heure, le Nicaragua est toujours à la recherche d’investisseurs. Même si son principal partenaire économique, le Venezuela, est prêt à s'engager.

«Comment va-t-on réussir à ce que des pays étrangers financent à 100% ce projet ?», s’interroge un membre de l’opposition. Le plan de financement de Daniel Ortega n'a pas encore été révélé.

La Russie pourrait coopérer

Le premier à franchir le pas pourrait bien être la Russie. Le contrat de plusieurs milliards sera sans doute donné à un consortium international auquel elle participerait. Résultats escomptés : le renforcement des relations entre les deux pays, notamment, militaires et celui de la présence russe dans le continent. Contrairement au canal de Panama, héritage américain, le nouveau canal ne serait pas, en théorie, sous l'influence d'un pays en particulier. Ce qui semble enthousiasmer Moscou.

Le Nicaragua mise gros
Aux détracteurs du projet qui jugent que le pays a d’autres priorités économiques, le gouvernement répond que le pays pourrait profiter des 5% des échanges maritimes mondiaux qui passent par le canal de Panama. Ultra-saturé, ce dernier brasse un milliard de dollars par an. Avec des gains similaires, les caisses de l’Etat nicaraguayen seraient sans aucun doute renflouées.

Le nouveau canal fluidifierait les échanges, sans pour autant concurrencer son grand frère panaméen. C'est en tout cas ce qu'affirment les autorités du Nicaragua. De plus, la construction de la route maritime représenterait 600.000 nouveaux emplois, toujours selon Managua.

Autre avantage : le Nicaragua compte se rabibocher avec le Costa Rica, en l’associant au projet. Les deux pays se disputent la navigation et les frontières du fleuve San Juan.

Le rêve du Nicaragua est énorme. Mais sa réalisation reste titanesque. Le tracé définitif du projet n'est pas déterminé. Et rien ne dit que ceux qui habitent sur le futur chantier soient prêts à être expropriés. Il n’est pas impossible que le projet soit à nouveau rangé dans les tiroirs du gouvernement. Après tout, il refait surface à chaque fois que les dirigeants du pays sont en mal de popularité.

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