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Quand l'ancien président du Zimbabwe Robert Mugabe fêtait son 93e anniversaire...

Le président du Zimbabwe Robert Mugabe, qui a dirigé d'une main de fer son pays de 1980 à 2017, est décédé à l'âge de 95 ans, a annoncé son successeur, Emmerson Mnangagwa, le 6 septembre 2019. En 2017, franceinfo Afrique avait raconté comment il avait fastueusement célébré son 93e anniversaire.

Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
L'ancien président du Zimbabwe, Robert Mugabe, à sa résidence privée à Harare, capitale du pays, le 29 juillet 2018 (REUTERS - SIPHIWE SIBEKO / X90069)

Robert Mugabe, dont le décès a été annoncé le 6 septembre, avait pris les rênes de l'ex-Rhodésie, devenue indépendante, en 1980. Pendant son règne de 37 ans à la tête du Zimbabwe, l'un des plus longs sur le continent africain, il était passé du statut de héros de l'indépendance et chouchou de l'Occident à celui de tyran qui a provoqué l'effondrement économique de son pays.

Pour son 93e anniversaire, il avait invité le 25 février 2017 des milliers de partisans pour de luxueuses agapes, plus controversées que jamais dans un Etat au bord de la faillite. Malgré son âge canonique, il ne semblait pas du tout, mais alors pas du tout, décidé à passer la main... Quelques mois plus tard, en novembre de la même année, il était pourtant renversé par son vice-président, Emmerson Mnangagwa.

En ce 25 février 2017, le journal The Herald, qui se présente comme "le plus grand quotidien" du Zimbabwe, publiait pas moins de 24 pages remplies de messages de félicitations de ministres et de soutiens du régime. Sur la page d’accueil du site internet du même journal, on voyait le président zimbabwéen, tout sourire, le cou entouré de colliers de fleurs, au milieu d’une myriade de ballons gonflables de toutes les couleurs. Et d’expliquer que les célébrations de l’anniversaire 
"
rassemblent des gens venus de toutes les régions du Zimbabwe et d’autres parties du monde".

Robert Mugabe, lors de la célébration de son anniversaire, vu par le site du quotidien "The Herald" (DR, capture d'écran)
De leur côté, radio et télévision officielles inondaient leurs ondes de chansons à sa gloire.

Et l’on s’en doute : les commentaires de ses partisans étaient très laudatifs. "C'est un honneur et un privilège de partager une célébration avec une telle icône lumineuse", expliquait alors à l’AFP un cadre local de son parti, la Zanu-PF, Sibongile Ndiweni. 

Des ripailles à un million de dollars

Comme chaque année, un banquet a conclu une semaine d'extravagances à la gloire de celui qui a dirigé sans partage l'ex-colonie britannique depuis son indépendance en 1980 (il avait été Premier ministre de 1980 à 1987 avant de devenir président en 1987).

D'un coût estimé à un million de dollars, ces ripailles gargantuesques ont suscité la colère d'une population dont la quasi-totalité est privée d'emploi formel et souffre de pénuries alimentaires. 80 % de la population vivrait sous le seuil de pauvreté (fixé, par la Banque mondiale, à 1,90 dollar par jour) dans un pays où, en 2015, l’inflation était de 500 000 000 000 %!

En 2016, pour son 92e anniversaire, Robert Mugabe avait servi à ses invités de la viande d'éléphant et de buffle à foison. Ainsi qu’un énorme gâteau pesant 92 kilos, un poids équivalent… à son âge.

En 2017, ces frasques se sont doublées d'une polémique historique. La fête a en effet eu lieu dans le parc national de Matobo (sud), près d'un site où reposent les victimes d'une des vagues de répression les plus meurtrières ordonnées par Robert Mugabe. Début 1983, sa tristement célèbre 5e brigade, entraînée en Corée du Nord, avait fait dans cette région du Matabeleland plus de 20 000 morts parmi les partisans de son compagnon de lutte devenu rival, Joshua Nkomo. Un massacre, connu sous le nom de "massacres de Gukurahundi". "Cela ne devrait pas être un lieu de célébration", a déclaré un porte-parole du "groupe de pression" local Ibhetshu Likazulu, cité par l’AFP. "Toute la région est une scène de crime où les os des victimes des massacres de Gukurahundi sont enterrés".

De la Grace dans tout cela…

Robert Mugabe, lui, était à des années lumière de la misère de son peuple. Et avant d'être emporté par un coup d'Etat, il s'était toujours gardé  de nommer un successeur. Sa deuxième épouse Grace, 51 ans en 2017, qu’il décrivait comme un "feu d’artifice", se serait bien vu calife à la place du calife. Le couple s’était marié en 1996, en présence de 12 000 invités. Selon RFI, Grace, que ses adversaires ont surnommé "Disgrace", s’est servie de sa position "pour devenir une femme d’affaires richissime, accumulant résidences, propriétés et entreprises achetées pour une bouchée de pain". Elle était, semble-t-il, aussi connue pour ses "dispendieuses virées shopping à Londres, Paris ou Hong Kong (et) ses ventes illégales de diamants"… En décembre 2018, la police sud-africaine avait demandé son arrestation pour une affaire d'agression contre une mannequin sud-africaine à Johannesburg l'année précédente.

Robert Mugabe et sa femme Grace à Madziwa, village au nord de Harare, le 21 juin 2000. (REUTERS - JUDA NGWENYA / X00201)
Apparemment, son mari de président préparait le terrain pour elle. En 2014, elle avait ainsi obtenu en quelques mois un doctorat en philosophie à Harare, malgré un parcours (par correspondance) particulièrement médiocre à l’université de Londres. La thèse doctorale portait sur les bouleversements sociaux et leur impact sur la structure familiale. 

Début 2017, le parti de Mugabe, la Zanu-PF, avait d'ores et déjà investi son chef historique pour briguer un nouveau mandat lors des élections de 2018. Pour Grace, qui s’exprimait devant des partisans le 17 février 2017, il fallait présenter la candidature de son époux même s’il n’était qu’un "cadavre".

Elle en avait aussi profité pour adresser un avertissement aux anciens compagnons d’armes de son mari : "Aucun de ceux qui accompagnait Mugabe en 1980 n’a le droit de lui dire qu’il est vieux. Si vous voulez qu’il s’en aille, alors vous vous en allez avec lui". Elle avait déjà expliqué que si cela s’avérait nécessaire, elle était prête à le pousser en chaise roulante pour qu’il continue à gouverner.

Quoiqu’il en soit, à cette époque; la lutte pour la succession semblait donc bel et bien commencé. 

Jusqu’à 100 ans?

"Comrade Bob" (Camarade Bob), comme on l'appelait, avait profité de ses 93 ans pour tordre le cou aux rumeurs sur son état de santé, bien décidé à perpétuer son règne. "La majorité des gens pensent qu'il n'y a personne pour me remplacer", assurait-il lors d'un entretien télévisé. "Si je pense que je ne peux plus le faire, je le dirai pour que mon parti me remplace. Mais pour le moment, je ne pense pas pouvoir dire cela", avait poursuivi le chef de l'Etat, pourtant apparu usé et hésitant. 

En 2016, pour son 92e anniversaire, il avait expliqué qu’il entendait vivre jusqu’à 100 ans… Il entendait donc gouverner jusque là. Il expliquait aussi qu’il se sentait frais comme un gardon. Et faisait encore de la gymnastique tous les matins. Cela n'a pas suffi pour le maintenir au pouvoir...

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