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L’opposition tunisienne après la mort de Chokri Belaïd

L’assassinat de Chokri Belaïd, coordinateur général du Parti des patriotes démocrates (PPD) et farouche adversaire du parti islamiste Ennahda au pouvoir, a contribué à fédérer une opposition atomisée. D’une manière générale, le paysage politique tunisien est très morcelé : il ne compte pas moins de 150 partis, dont une centaine fondés après la révolution du 14 janvier 2011.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Des manifestants chantent des slogans devant le ministère de l'Intérieur au centre de Tunis le 7 février 2013, dans la cadre d'un rassemblement de protestation après la mort de l'opposant Chokri Belaïd. (AFP - KHALIL)

Outre Ennahda, l’actuelle coalition gouvernementale comprend deux partis de gauche modérée : Ettakatol et le Congrès pour la République (CPR). Face à elle, les partis, souvent qualifiés en France de «laïques» (terme que n’aiment pas forcément les Tunisiens), sont habituellement très divisés.

«Grosso modo, l’opposition se partage en deux camps», explique un observateur à Tunis. D’un côté, on trouve ainsi un regroupement d’inspiration centre-gauche modérée réunissant Nida Tounès, fondé en 2012 par Béji Caïd Essebsi, 86 ans, ancien ministre de Habib Bourguiba («père» de l’indépendance et de la Tunisie moderne), le Parti républicain et Al-Massar. Dans l’autre camp, le Front populaire, dirigé par Hamma Hammami (porte-parole du Parti communiste des ouvriers de Tunisie, devenu en 2011 le Parti des travailleurs tunisiens), regroupe une dizaine de mouvements d’extrême gauche et nationalistes arabes. 

Chokri Belaïd, lors de sa dernière interview, le 5 février 2013, la veille de son assassinat (capture d'écran de la chaîne Nessma).  (Nessma)

Une figure d’opposition très médiatique
Un Front dont Chokri Belaï était une figure très médiatisée. Ce militant de tendance marxiste et panarabe, avocat de formation, qui affrontait déjà les islamistes à l’université, avait souvent plaidé dans les procès politiques sous la dictature de Zine Al Abidine Ben Ali, et connu la prison à plusieurs reprises. Un brin populiste, proche de la classe ouvrière dans sa jeunesse, ce tribun à la voix rugueuse avait conservé l’accent prononcé des paysans du nord-ouest. «C’était l’un des plus brillants et plus virulents adversaires d’Ennahda. Il ne ratait jamais une occasion de dire ce qu’il pensait», explique un journaliste tunisien. «Il était connu pour son langage vrai, pas politiquement correct, qui puisait dans son passé d’extrême gauche», raconte un autre journaliste.

Après la mort du coordinateur général du PPD, les deux coalitions ont appelé à une grève générale, finalement soutenu par le puissant syndicat UGTT (Union générale tunisienne du travail). Dans le même temps, elles ont décidé de suspendre leur participation à l’Assemblée nationale constituante.

«Aujourd’hui, on assiste ainsi à un rapprochement entre les deux tendances de l’opposition, qui regroupe désormais toutes les forces non islamistes», à l’exception des partis au pouvoir, constate l’observateur cité plus haut. «Tous demandent la démission du gouvernement, la dissolution de l’Assemblée constituante et la formation d’un cabinet de techniciens n’appartenant à aucun parti», refusée par les islamistes. Après la mort de Chokri Belaïd, «les dangers sont tellement énormes que les calculs partisans vont se taire, le temps de sauver le pays pour franchir une nouvelle étape politique», espère l’analyste.

Lire aussi dans le blog «Tunisie: la démocratie en marche»: Où en sont les laïcs ?

Le portrait de Chokri Belaïd

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