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La pollution à Sfax, en Tunisie, et comment s'en débarrasser
Grand centre d’activités de l’est tunisien sur la côte méditerranéenne, connue notamment pour son industrie chimique, Sfax est une ville polluée. Notamment par les rejets d’une usine de traitement du phosphate, extrait notamment dans le bassin de Gafsa. Lesquels rejets ont des conséquences notables sur l’environnement, et sans doute aussi la santé humaine. Enquête.
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De notre envoyé spécial en Tunisie, Laurent Ribadeau Dumas
«Ici, le taux de mortalité est supérieur de 10% à la moyenne nationale, selon les chiffres officiels. Et les taux de cancer sont également plus élevés qu’ailleurs en Tunisie. Pourtant, on refuse de faire le lien avec la pollution», affirme Abdelhamid Haissiri, universitaire et secrétaire général de l’Association de la protection de la nature et de l’environnement de Sfax (APNES).
Accusée, l’industrie chimique, qui compterait quelque 80 sites dans la région. Et plus particulièrement l’usine de la Société industrielle d’acide phosphorique et d’engrais (SIAP), une entreprise publique qui est l’un des plus gros employeurs de la ville avec quelque 500 salariés. Elle est installée à quelques kilomètres du centre, «près de quartiers très populaires», précise le dirigeant de l’APNES.
La SIAP pollue à la fois l’air (l’odeur émanant du site est pestilentielle) et l’eau douce de la nappe phréatique dont elle est grosse consommatrice. Sur le site, on observe, à côté d’immenses cheminées qui recrachent la fumée des phosphates, une énorme et très longue colline de déchets.
«Pourtant, c’était là qu’on trouvait les meilleurs fruits de la région», se souvient Abdelhamid Hassiri. Une chose est sûre: des oliveraies un peu blanchâtres sous le soleil, une grande spécialité sfaxienne, poussent à quelques encâblures de l’usine…
«La SIAP tue Sfax sur tous les plans. Elle freine notamment le développement économique: on ne peut pas investir dans une zone aussi polluée», estime l’universitaire écologiste. Pourtant, les chiffres officiels contredisent cette affirmation. Selon les données fournies par la direction régionale de l’Agence de promotion de l’industrie et de l’innovation (AIP), les intentions d’investissement dans la région auraient augmenté de 52% entre janvier et mai 2013.
Décision de fermeture différée
Du côté des pouvoirs publics, on ne nie pas le problème. Mais on le relativise. «Les chiffres faisant état d’une hausse de la mortalité et du nombre de cancers restent à vérifier. Les pathologies constatées peuvent effectivement être provoquées par l’industrie chimique. Elles peuvent l’être aussi par le mode de vie, notamment le tabac. Il faudrait des études pour vérifier cela», estime Lotfi Ben Arab, directeur régional de l’AIP. A noter qu’aucune des deux parties ne mentionne de telles études.
Les autorités semblent si conscientes de la gravité de la situation qu’elles avaient décidé en 2008 de transférer l’usine de la SIAP sur deux sites, à Gabès (200 km au sud de Sfax) et Skhira (80 km de là). Mais le 14 janvier 2011, le régime a changé. «Et depuis, rien ne s’est passé. Confrontés à de nombreux problèmes sociaux et financiers, le gouvernement n’est plus assez fort pour appliquer la décision passée», regrette Abdelhamid Hassiri. Une décision d’autant plus difficile à faire appliquer aujourd’hui, en grave période de chômage, alors que la SIAP est l’un des poids-lourds économiques de la région. Il se murmure que l’on craint aussi les agissements de certains salariés assez remuants… On parle maintenant d’un transfert fin 2014, ou en 2015.
Pourtant, dans le passé, l’Etat tunisien a montré qu’il savait prendre les problèmes d’environnement à bras le corps. En 1988, il a ainsi fermé une usine d’acide sulfurique appartenant à l’entreprise suédoise NPK. Implantée en centre-ville, elle déversait notamment des rejets «radioactifs», selon l’APNES. Conséquence parmi d’autres: la fermeture pendant des années de 10 km de plages locales à la baignade.
Par la suite, des tonnes de déchets ont été récupérées en créant sur une couche d’argile une colline de remblais recouverte de sable, avec un système de drainage pour les eaux de ruissellement. «On a également fait de l’aménagement du territoire, en construisant notamment des logements» sur la zone, constate Lotfi Ben Arab. Une lueur d’espoir pour ceux qui subissent la pollution de la SIAP…
«Ici, le taux de mortalité est supérieur de 10% à la moyenne nationale, selon les chiffres officiels. Et les taux de cancer sont également plus élevés qu’ailleurs en Tunisie. Pourtant, on refuse de faire le lien avec la pollution», affirme Abdelhamid Haissiri, universitaire et secrétaire général de l’Association de la protection de la nature et de l’environnement de Sfax (APNES).
Accusée, l’industrie chimique, qui compterait quelque 80 sites dans la région. Et plus particulièrement l’usine de la Société industrielle d’acide phosphorique et d’engrais (SIAP), une entreprise publique qui est l’un des plus gros employeurs de la ville avec quelque 500 salariés. Elle est installée à quelques kilomètres du centre, «près de quartiers très populaires», précise le dirigeant de l’APNES.
La SIAP pollue à la fois l’air (l’odeur émanant du site est pestilentielle) et l’eau douce de la nappe phréatique dont elle est grosse consommatrice. Sur le site, on observe, à côté d’immenses cheminées qui recrachent la fumée des phosphates, une énorme et très longue colline de déchets.
«Pourtant, c’était là qu’on trouvait les meilleurs fruits de la région», se souvient Abdelhamid Hassiri. Une chose est sûre: des oliveraies un peu blanchâtres sous le soleil, une grande spécialité sfaxienne, poussent à quelques encâblures de l’usine…
«La SIAP tue Sfax sur tous les plans. Elle freine notamment le développement économique: on ne peut pas investir dans une zone aussi polluée», estime l’universitaire écologiste. Pourtant, les chiffres officiels contredisent cette affirmation. Selon les données fournies par la direction régionale de l’Agence de promotion de l’industrie et de l’innovation (AIP), les intentions d’investissement dans la région auraient augmenté de 52% entre janvier et mai 2013.
Décision de fermeture différée
Du côté des pouvoirs publics, on ne nie pas le problème. Mais on le relativise. «Les chiffres faisant état d’une hausse de la mortalité et du nombre de cancers restent à vérifier. Les pathologies constatées peuvent effectivement être provoquées par l’industrie chimique. Elles peuvent l’être aussi par le mode de vie, notamment le tabac. Il faudrait des études pour vérifier cela», estime Lotfi Ben Arab, directeur régional de l’AIP. A noter qu’aucune des deux parties ne mentionne de telles études.
Les autorités semblent si conscientes de la gravité de la situation qu’elles avaient décidé en 2008 de transférer l’usine de la SIAP sur deux sites, à Gabès (200 km au sud de Sfax) et Skhira (80 km de là). Mais le 14 janvier 2011, le régime a changé. «Et depuis, rien ne s’est passé. Confrontés à de nombreux problèmes sociaux et financiers, le gouvernement n’est plus assez fort pour appliquer la décision passée», regrette Abdelhamid Hassiri. Une décision d’autant plus difficile à faire appliquer aujourd’hui, en grave période de chômage, alors que la SIAP est l’un des poids-lourds économiques de la région. Il se murmure que l’on craint aussi les agissements de certains salariés assez remuants… On parle maintenant d’un transfert fin 2014, ou en 2015.
Pourtant, dans le passé, l’Etat tunisien a montré qu’il savait prendre les problèmes d’environnement à bras le corps. En 1988, il a ainsi fermé une usine d’acide sulfurique appartenant à l’entreprise suédoise NPK. Implantée en centre-ville, elle déversait notamment des rejets «radioactifs», selon l’APNES. Conséquence parmi d’autres: la fermeture pendant des années de 10 km de plages locales à la baignade.
Par la suite, des tonnes de déchets ont été récupérées en créant sur une couche d’argile une colline de remblais recouverte de sable, avec un système de drainage pour les eaux de ruissellement. «On a également fait de l’aménagement du territoire, en construisant notamment des logements» sur la zone, constate Lotfi Ben Arab. Une lueur d’espoir pour ceux qui subissent la pollution de la SIAP…
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