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Crise en Tunisie : "Le dialogue national est l'ultime chance"

Le Premier ministre tunisien a transmis vendredi une promesse de démission, pour convaincre l'opposition d'entamer un dialogue national. Francetv info a interrogé un spécialiste du monde arabe pour mieux comprendre la situation.

Article rédigé par Vincent Daniel - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Des manifestants réclament le départ du gouvernement à Tunis (Tunisie), le 23 octobre 2013.  (ANIS MILI / REUTERS)

Est-ce l'amorce d'une sortie de crise en Tunisie ? Après de nombreuses tergiversations et deux reports, l'opposition et les islamistes d'Ennahda, au pouvoir, ont entamé des discussions, vendredi 25 octobre. Un dialogue national qui s'ouvre après l'engagement écrit du Premier ministre à démissionner, dans un pays en pleine crise sécuritaire.

La feuille de route prévoit que la classe politique s'accorde en trois semaines sur la composition d'un gouvernement apolitique, après quoi seulement le gouvernement en place démissionnera formellement. La crise politique paralyse le pays depuis le 25 juillet et l'assassinat du député d'opposition Mohamed Brahmi, attribué à la mouvance jihadiste, dont l'essor ne cesse de déstabiliser le pays. Six gendarmes et un combattant armé ont été tués, mercredi 23 octobre, dans des affrontements avec un groupe "terroriste" dans la région de Sidi Bouzid (centre-ouest). 

Pour mieux comprendre la crise profonde que traverse la Tunisie, francetv info a interrogé Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen.

Francetv info : Le blocage du dialogue national résulte-t-il de la méfiance de l'opposition vis-à-vis du parti au pouvoir ?

Absolument. La raison principale, c'est le déficit de confiance. Elle a disparu entre les principaux acteurs de la scène politique tunisienne, et plus particulièrement entre le parti islamiste Ennahda, au pouvoir, et l'opposition, des partis non religieux allant du centre droit à l'extrême gauche. Ensuite, la transition est en difficulté car le président tunisien, Moncef Marzouki, n'a pas pu s'affranchir de sa proximité avec Ennahda. Etant donné qu'il n'a pas réussi à apparaître comme la locomotive ou le parrain d'une véritable transition démocratique, elle prend plusieurs directions.

Dernier élément, les partis non religieux ne font plus confiance au gouvernement d'Ennahda, qui avait annoncé à maintes reprises sa démission et qui la repoussait ou exigeait sans cesse de nouvelles conditions. Ce qui accroît le fossé avec les autres partis. Tout cela n'a fait que retarder le début des négociations.

A quoi joue Ennahda ?

C'est paradoxal. Ils sont au pouvoir, mais agissent comme si leur parti était encore clandestin, comme sous Ben Ali. Ils redoutent le projet de dialogue national car ils pensent que la démission du gouvernement signifierait la fin politique d'Ennahda. D'autant qu'il y a une exaspération au sein de la population, car tant que ce parti islamiste ne sort pas du gouvernement, il n'y a pas de dates pour les prochaines élections. 

On peut donc redouter le scénario égyptien. S'il n'y a pas une prise de conscience, une confrontation entre islamistes et forces civiles risque de voir le jour et de compliquer davantage la situation tunisienne, sur les plans politique et sécuritaire.

Que peut-on attendre du dialogue national qui vient de commencer ?

C'est un véritable test pour tous les acteurs de la vie politique tunisienne : arriveront-ils à revenir à la table des négociations ? Les Tunisiens ont élu une Assemblée constituante : le débat aurait dû avoir lieu dans cette enceinte. Et il n'est pas normal que deux ans après la révolution, les Tunisiens n'aient pas encore de Constitution. Ce dialogue national cache donc un profond malaise et une profonde division – le tout sur fond de violences civiles et terroristes. L'opposition ne veut plus travailler avec les islamistes. Ce débat national est l'ultime chance. Sinon, la rue va arbitrer le conflit.

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