Tchad: où est passé l'argent du pétrole ?
"Le pétrole a apporté de la croissance"
Selon le ministre tchadien des Infrastructures, Adoum Younoussmi, son pays produit «en moyenne 120.000 barils de pétrole par jour», qui lui ont rapporté entre 2004 et 2011 «3000 milliards de francs CFA» (4,5 mds d’euros). Une belle somme pour ce pays de 11 millions d’habitants.
Depuis que le premier baril est sorti de terre, près de 10 ans ont passé. «Le pétrole a apporté de la croissance», assure le ministre. Selon lui, le Tchad a vu son réseau routier passer de «300 km à plus de 2000 km». Il est passé d'«une seule (...) à cinq universités», «2000 salles de classe par an» ont été construites. «La capitale, N’Djamena, est devenue un vaste chantier. (…) Presque toutes les artères ont été défoncées afin d’être regoudronnées et les sièges des administrations sont en cours de rénovation», confirme Jeune Afrique.
"Dans la vie des Tchadiens, rien n'a changé"
Pour autant, «ces réalisations ne sont que la partie émergée de l’iceberg». précise Youssouf Moussa, président de l’Initiative tchadienne de lutte contre la corruption et le détournement. Les prix ont flambé. Et «dans la vie des Tchadiens, rien n'a changé. Les gens continuent de mourir de faim, du paludisme, ou de diarrhée parce qu'il n'y a pas d'eau potable», constate l'avocate Delphine Djiraïbé, figure de la société civile.
Aujourd’hui, le pays est toujours à la 183e place (sur 187) de l’indice de développement humain (IDH) mis en place par l’ONU. Pourtant, au début des années 2000, le gouvernement s’était engagé à affecter 70 % des revenus pétroliers à la réduction de la pauvreté. Des organismes internationaux, comme la Banque mondiale, avaient accepté de financer un oléoduc permettant l’acheminement du pétrole produit dans le sud-est de N’Djamena jusqu’au golfe de Guinée. Mais en 2008, la Banque a supprimé son aide, reprochant au pouvoir de ne jamais avoir respecté sa parole.
Des achats d'armes massifs
Où est passé l’argent du pétrole ? Il profite «en grande partie à une minorité au pouvoir», répond Youssouf Moussa. Pour Delphine Djiraïbé, nombe de pétrodollars ont été investis «dans les armes pour préserver la sécurité» dans ce pays menacé par la guerre civile en 2008.
Une accusation relayée par un rapport de l’ONG CCFD-Terre solidaire. Selon cette source, les dépenses militaires du Tchad ont presque été multipliés par près de huit de 2004 à 2010 : elles sont ainsi «passées de 45,3 milliards de francs CFA (53 millions d’euros) à 275,7 milliards» (420 millions d’euros).
Au pouvoir depuis 1990, le président Idriss Déby justifie ces dépenses par l’instabilité dans l’est du pays. En février 2008, un raid de rebelles, soutenus par le Soudan, s’était infiltré dans N’Djamena, jusqu’aux portes du palais présidentiel. L’attaque (4) avait été repoussée in extremis, notamment grâce à l’aide française.
La crise humanitaire liée à la guerre civile
Médecins sans frontières (2007-2008)
Depuis 2009, la tension est retombée. Mais pas les dépenses militaires. Selon le rapport du CCFD, le régime d’Idriss Déby a acheté de l’armement lourd, acquis principalement auprès de la France et de l’Ukraine. Avec des conséquences très directes sur le développement du pays. Dans le même temps, «l'exploitation du pétrole a lourdement contribué à la détérioration de la gouvernance au Tchad, entraînant une succession de crises politiques et de rébellions», selon un rapport de l’International Crisis Group.
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