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Tchad:Idriss Deby fait monter les enchères dans la lutte antiterroriste au Sahel

Entre le vote à l’ONU pour le déploiement d’une force antiterroriste africaine au Sahel et le sommet du «G5 Sahel» à Bamako, le 2 juillet 2017, le président tchadien occupe le terrain médiatique. Dans un entretien accordé à trois grands médias français, Idriss Deby fait monter les enchères. Sans soutien financier supplémentaire, il menace de réduire sa participation à la lutte antiterroriste.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Le président Idriss Deby et son épouse Inda à leur arrivée dans la capitale malienne, Bamako, pour le 27 ème sommet France-Afrique consacré à la menace jihadiste et à la crise des migrants, le 14 janvier 2017. (STEPHANE DE SAKUTIN/AFP)

Quatre jours après le vote à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU d’une résolution favorable au déploiement d’une force antiterroriste africaine au Sahel et à une semaine du sommet du «G5 Sahel» à Bamako pour résoudre le casse-tête de son financement, le président tchadien a piqué une colère à demi-mot.

La colère calculée du président Deby 
Dans un entretien accordé à trois grands médias français, le Monde Afrique, RFI et TV5, Idriss Deby affirme que le Tchad a atteint ses limites dans la lutte antiterroriste.
 
«Nous ne pouvons pas continuer à être partout, au Niger, au Nigeria, au Cameroun, au Mali et surveiller 1200 km de frontière avec la Libye. Tout cela coûte excessivement cher et, si rien n’est fait, le Tchad sera malheureusement dans l’obligation de se retirer», a-t-il prévenu.
 
Une colère calculée, puisqu’il s’agit de retirer une partie des troupes opérant dans ces pays entre fin 2017 et début 2018 «si la situation devait perdurer».
 
A quelques jours du sommet du «G5 Sahel» qui doit se tenir à Bamako le 2 juillet 2017 en présence du président français Emmanuel Macron, avec pour principal souci le financement de la force commune à déployer sur le terrain, Idriss Deby adresse un message aux participants.
 
«Le Tchad ne peut pas avoir 1400 hommes au Mali – dans la mission des Nations Unies – et en même temps 2000 soldats dans le G5. Même si les financements arrivaient, il y a un choix à faire», a-t-il ajouté.

Le Tchad victime d'un «marché de dupes» 
Omettant de préciser que les soldes des 1400 casques bleus au Mali étaient payés par l’ONU, il estime que «le Tchad a déboursé sur ses propres ressources plus de 300 milliards de Francs CFA (plus de 457 millions d’Euros) pour la lutte contre le terrorisme sans un soutien quelconque de l’extérieur. Jusqu’à aujourd’hui, nous sommes seuls dans cette lutte», a-t-il déploré.
 
Dans cet entretien fleuve, il explique également les difficultés financières du pays en raison de la chute des prix du pétrole. Il en profite pour dénoncer «un marché de dupes» passé avec Glencore, une entreprise anglo-suisse de négoce, courtage et extraction de matières premières.
 
Une entreprise auprès de laquelle N’Djamena a contracté un emprunt de 2 milliards d’Euros pour racheter les 25% de parts détenues par Chevron dans le consortium d’exploitation du pétrole tchadien. Deux semaines après, explique-t-il, le pétrole a chuté de 100 à 40 dollars le baril.
 
«Quand j’ai reçu le président-directeur-général de Glencore, raconte-t-il, je lui ai demandé : est- ce qu’il y a des gens à qui vous avez donné des commissions ? J’ai vu à sa réaction que c’est une question qu’il n’a pas aimée.Il y a une enquête qui est maintenant en cours», a-t-il annoncé.
 
Soufflant le chaud et le froid sur les relations avec la France, qui a installé à N’djamena le quartier général de l’opération «Barkhane», Idriss Deby estime que l’Afrique n’était pas préparée à la violence terroriste. «Quand la France est intervenue au Mali, tout le monde dormait…Il a fallu que la France stoppe le marche des terroristes sur Bamako pour que l’on se réveille», a-t-il admis.
 
En même temps, il se dit du même avis que le président guinéen, Alpha Condé. «Il faut couper ce cordon» du «pré carré» ou de la «Françafrique», dit-il, «et que nous ayons des relations amicales, basées sur les intérêts réciproques».
 
Crainte d'une partition de la Libye en 2 ou 3 Etats
Enfin, concernant le chaos persistant dans l’ex-Jamahiriya de Kadhafi, le président tchadien a dénoncé le soutien à Boko Haram «qui se fait par des structures terroristes qui sont en Libye et qui ont la possibilité de bénéficier de l’argent du pétrole, de la drogue, de la vente des êtres humains».
 
Attribuant au «manque de vision de l’Occident» la responsabilité de la situation dans ce pays, il ne pense pas que Saïf al Islam Kadhafi, donné pour libre depuis quelques jours, puisse faire partie de la solution dans ce pays.
 
«Je ne pense pas qu’il puisse être la solution unique en Libye…Ce pays est parti en éclats et aujourd’hui certains parlent de la division de la Libye en deux ou trois Etats, ce serait une aventure qui ne réglerait rien. Le pétrole ne se trouve pas partout et ceux qui n’en ont pas n’accepteront jamais la division de la Libye», a-t-il expliqué.
 
 
 

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