Cet article date de plus de trois ans.

RDC : encore des centaines de morts dans le conflit sans fin en Ituri

Depuis plus de vingt ans, Hema et Lendu s'affrontent. Le conflit entre les deux communautés vient brusquement de se raviver ces derniers mois. Il a déjà fait des centaines de morts.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Des miliciens de la communauté Lendu protègent, le 19 septembre 2020, une réunion de leurs leaders dans le village de Wadda dans la province d'Ituri en République démocratique du Congo. (ALEXIS HUGUET / AFP)

C'est un cycle de violences sans fin qui secoue la région de l'Ituri dans l'est de la République démocratique du Congo. Selon l'Unicef, 91 enfants ont été tués, 27 ont été mutilés et 13 ont été victimes de violences sexuelles entre janvier et juin 2020. Dans un communiqué publié le 6 octobre 2020, l'organisation onusienne précise que "près de 18 établissements de santé ont été pillés ou détruits, tandis que les attaques contre plus de 60 écoles ont laissé environ 45 000 enfants en dehors des salles de classe."


Selon l'ONG Human Rights Watch (HRW), 444 civils ont trouvé la mort en Ituri entre mars et juin 2020. Conséquence de cette insécurité, 200 000 personnes ont fuit la région. L'International Crisis Group établit lui le nombre de morts à un millier depuis la fin 2017 et la reprise des violences. Le nombre des déplacés se situant autour du demi-million. 

Hema contre Lendu

Au cœur de ces violences, une opposition séculaire entre deux groupes ethniques : les Hema et les Lendu. Les deux communautés se disputent l'accès à la terre, essentiel dans cette région rurale, et plus largement aux richesses minières comme l'or.

C'est aussi une lutte pour le pouvoir politique. A l'époque coloniale, le pouvoir belge a largement favorisé les Hema au détriment des Lendu, ce qui a forgé un fort ressentiment au sein de cette communauté. Ainsi une première fois, entre 1999 et 2003, des affrontements meurtriers ont opposé les deux groupes. La paix revenue, Kinshasa tente alors une politique de partage du pouvoir intercommunautaire. Mais le fond du problème n'est en rien réglé et les milices ne sont pas démantelées.

Trente années de violences

Fin 2017, le cycle des violences reprend de plus belle. Des milices composées de jeunes Lendu s'en prennent aux membres de la communauté Hema. De plus en plus téméraires, ces milices visent ensuite les positions de l'armée régulière et de la police. L'opération militaire lancée pour reprendre la main n'a fait qu'étendre le conflit, qui touche dès lors d'autres communautés.

Une association de milices Lendu, la Codeco, revendique ces attaques. Leur chef, Justin Ngudjolo, affirme être à la tête d’une force de 2 350 hommes armés retranchés dans la forêt. Son credo reste la réappropriation des terres qui auraient été spoliées par les Hema et le refus de voir des étrangers exploiter les ressources locales.

L'Ituri est riche en métaux précieux comme l'or. Une ressource au cœur du conflit qui déchire les communautés Lendu et Hema. (JOHN WESSELS / AFP)

Une fois encore, l'intervention de l'armée régulière ne fera qu'éparpiller les milices en éliminant Ngudjolo. Désormais, sans moteur fédérateur, elles multiplient les actions meurtrières, chacune réclamant le leadership de la Codeco. La situation se complique aussi en raison de la porosité entre l'Ituri et le Nord-Kivu voisin. Ce dernier "exportant" son propre conflit dans la province d'Ituri par des migrations massives de sa population. Une arrivée mal supportée tant du côté Lendu qu'Hema.

Au final, beaucoup s'interrogent sur le sens de ces attaques. Certains nient le conflit interethnique, évoquent des "bandes égarées", qui règleraient des comptes personnels. D'autres y voient la volonté de mettre la région à feu et à sang pour s'emparer de ses richesses.

Pour l'heure, selon les observateurs, les communautés victimes de ces attaques n'ont pas formé de milices. Elles espèrent une paix négociée et comptent sur le pouvoir central de Kinshasa pour mettre fin aux violences. Mais leur patience semble atteindre ses limites. Ainsi une structure dénommée G5 qui regroupe cinq communautés des territoires de Djugu et d'Irumu a récemment dénoncé la capacité de l'armée et de la police à protéger les leurs. Depuis le 20 septembre, elles comptent 59 personnes tuées et 23 autres disparues parmi leurs membres.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.