"M. Macron, le Cameroun n'est pas un Dom-Tom", la colère gronde à Yaoundé contre le président français
Le président Macron promet de faire pression sur son homologue camerounais sur la question des droits de l'homme. Ses propos enflamment la toile en Afrique.
Ils étaient plusieurs centaines à manifester le 24 février 2020 devant l’ambassade de France à Yaoundé, brandissant des drapeaux camerounais et des pancartes hostiles au président français Emmanuel Macron.
Monsieur Macron, le Cameroun n'est pas un Dom-Tom (département français d'Outre-mer). Monsieur Macron, mêle-toi de tes oignons
Sur les pancartes des manifestants camerounais
"Nous sommes ici pour protester aux propos de Macron, parce qu’il a manqué de respect à notre président. Nous ne sommes pas une province de la France. Le Cameroun est un Etat souverain, indépendant depuis 1960", explique à l’AFP Souley Aboubakar, président d’une association de jeunes partisans de Paul Biya, à l’origine de ce rassemblement.
Un activiste camerounais face à Emmanuel Macron
Cette flambée de colère a été déclenchée par les propos tenus par le président Emmanuel Macron face à un activiste camerounais qui l’avait interpellé, le 22 février à Paris, sur la violation des droits de l’Homme dans son pays, en marge d’une visite au Salon de l’agriculture. Le président français lui a promis de mettre "le maximum de pression sur le président Paul Biya pour que cessent des violences intolérables au Cameroun".
Le 14 février, des hommes armés portant des uniformes de l’armée et certains masqués avaient attaqué le village de Ntumbo en zone anglophone faisant de nombreuses victimes parmi lesquelles des enfants, dont neuf âgés de moins de cinq ans. L’armée camerounaise a évoqué "un malheureux accident " au cours d’échanges de tirs entre forces de sécurité et rebelles sécessionnistes. L’ONU a demandé une enquête indépendante et impartiale. Paris avait déjà condamné ces violences et demandé que "les responsables répondent de leurs actes".
Dès le 23 février, le gouvernement camerounais assurait qu’il voulait "rester maître de son destin". La présidence camerounaise est revenue à la charge lundi 24 février, elle s’est offusquée de "propos surprenants".
Le président est comptable de son action devant le seul peuple camerounais souverain et non devant un dirigeant étranger, fut-ce un ami. Il n'a pas besoin de pression extérieure
Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général à la présidenceCommuniqué de la présidence de la République
Depuis la publication sur les réseaux sociaux de la vidéo de l’échange entre le président Emmanuel Macron et l'activiste camerounais connu sous le pseudo de Calibro Calibri, certains internautes ont salué le courage de l’activiste. Ce n’est pas de sa faute si le Cameroun se vend mal sur le plan international, peut-on lire sur le site d’information Camer.be
"S’est-on jamais préoccupé de savoir combien l’image et la notoriété du Cameroun sont écornées à l’international par des détournements systématiques et séculaires des deniers publics, de la corruption généralisée à ciel ouvert, du musèlement des partis politiques ? " Le Cameroun n’a qu’à s’en prendre à lui-même, il doit redorer son blason et retrouver sa place dans le concert des nations, écrit Camer.be
Pour le site d’information Cameroonvoice, "c’est le Macron profond qui a parlé. Celui qui avait promis un autre destin aux jeunes Africains", plaide la rédaction du site .
"Une communication paternaliste et infantilisante"
Mais la majorité des internautes africains se sont déchaînés contre "le ton discourtois" de cet échange jugé "indigne" à l’égard de leur président. Dans la vidéo qui circule sur les réseaux sociaux, Emmanuel Macron a aussi révélé avoir déjà fait pression sur le président Paul Biya pour obtenir la libération de son principal opposant Maurice Kamto.
"Après, on va nous demander de respecter les présidents africains. Suite à cette fanfaronnade de Macron, si Biya était autre chose qu’un laquais, l’ambassadeur de France au Cameroun aurait déjà été convoqué et l’ambassadeur du Cameroun en France rappelé" : rien de tout ça n’a été fait, s’insurge une internaute.
"C’est une communication paternaliste et infantilisante", analyse le politologue camerounais Mathias Eric Owona Nguini sur le site de RFI. Alors que la presse camerounaise dénonce "une conversation surréaliste". Certains n’hésitent pas à pointer "une mise en scène pure et simple, pour ternir l’image du président camerounais".
Emmanuel Macron s’attendait-il à cette explosion de colère ? Dans son échange avec l’activiste camerounais qui sollicitait son intervention, le président français avait tenu à lui expliquer que la France avait un rôle compliqué en Afrique.
"Quand la France dit que tel dirigeant n’a pas été démocratiquement élu, les Africains nous disent : 'De quoi vous mêlez-vous' ?...Moi, je mets la pression sur chacun et je travaille avec l’Union africaine" pour le faire, a-t-il insisté avant de rappeler qu’il ne revient pas à la France de faire la démocratie au Cameroun à la place des citoyens de ce pays.
Au #SalonAgriculture le président français #Macron a été interpellé par un visiteur sur la situation au #Cameroun.
— RFI (@RFI) February 24, 2020
► Il a dénoncé des violations des droits de l’homme «intolérables»
► Il appellera le président camerounais Paul #Biya
Ecoutez cet échange #RFImatin pic.twitter.com/pvsB8GKvMi
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