Cet article date de plus de cinq ans.

L’enfer au quotidien pour les domestiques de Guinée-Bissau

En Guinée-Bissau, les travailleurs domestiques sont exclus du code du travail. Et leur protection contre l’exploitation et les abus en tous genres est infime. L’enquête menée par la fondation Thomson Reuters fait froid dans le dos.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Dans un bidonville de Bissau, un homme transporte des marchandises pour les vendre sur le marché. (XAUME OLLEROS / AFP)

Selon Arminda Sa, une employée de maison rencontrée par la Fondation Thomson Reuters, la plupart des domestiques travaille sans contrat de travail. Et s’ils en réclament un, c’est la porte. Elle-même travaillait 15 heures par jour pour un salaire moitié moindre que promis.

A cela s’ajoutent les agressions sexuelles. Arminda a failli être violée par le frère de son patron. "Beaucoup de mes amies ont été violées, car elles avaient besoin de travailler", explique-t-elle. Selon les données des associations de défense, neuf employées sur dix subissent des agressions sexuelles, sans compter les autres actes de violence ou de torture.

En Guinée-Bissau, n’importe qui peut s’offrir les services d’un domestique. Dans un pays, le dixième plus pauvre au monde, où la majorité des habitants vit avec quelques dollars par jour, le salaire d'un employé de maison est très bas, voire nul. Et c’est un des rares emplois disponibles pour les femmes. Des filles travaillent parfois sans réclamer de salaire, juste contre de la nourriture ou un hébergement.

Salaire de misère

Désabusé, Malam Cassama, un policier, parle d’un "problème culturel". "On veut tourner la page, changer les mentalités." Il milite dans une association de défense des travailleurs domestiques créée il y a cinq ans, ANAPROMED-GB. Celle-ci n’a aucun fonds, pas même un ordinateur ! Malgré tout, elle a réussi à sensibiliser certains employeurs à ce problème.

L’association a suivi plus de 7000 employés de maison en 2017, essentiellement des femmes travaillant dans la capitale Bissau. Les chiffres sont sidérants. 89% avaient été violées. 80% travaillaient plus de 14 heures par jour et plus d’un tiers avaient moins de 13 ans. Et bien sûr, il n’y avait aucune trace de contrat de travail ou de sécurité sociale pour un salaire mensuel de 23 euros (Lien en portugais).

Une vie en enfer

Et les sévices se poursuivent, selon Victorino Domingo Jeta, un avocat. Il évoque le cas d’une adolescente brûlée à l’huile bouillante par ses employeurs, car l’enfant qu’elle gardait était tombé et s’était cogné la tête. "Il y a plein de cas de ce type, ça continue, car aucune mesure n’a été prise", explique l’avocat. Toutes ces victimes voudraient voir leur bourreau devant un tribunal.

Le pays n’a pas ratifié la convention de 2011 sur les droits des travailleurs domestiques établie par l’OIT. Et les Nations Unies semblent peu concernées par ce drame humain. L’activité de sa mission en Guinée-Bissau (UNIOGBIS) ne fait pas état du problème, alors que son objectif veut avant tout cibler les femmes et les jeunes "les plus touchés par la pauvreté et le chômage", "pour améliorer leurs conditions de vie et réduire les inégalités". Une inaction que dénonce Sene Cassama, de l’association des travailleurs domestiques. ANAPROMED-GB avait réclamé à l'ONU son soutien, dit-il à la Fondation Thomson Reuters, elle n’a jamais rien vu venir.

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