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Le Grand barrage éthiopien de la Renaissance sur le Nil suscite espoirs et craintes au Soudan

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 1 min

La construction du GERD a démarré en 2011 en Ethiopie. Long de 1,8 kilomètre et haut de 145 mètres, avec une capacité de 74 milliards de m³, cet ouvrage hydroélectrique, le plus grand d'Afrique, devrait s’achever en 2022.

Avec le début de la saison des pluies, en juillet 2020, l'Ethiopie a démarré le remplissage du réservoir du Grand barrage de la Renaissance sur le Nil Bleu. Mais depuis près d’une décennie, faute d’accord, l’Ethiopie est en conflit avec l’Egypte et le Soudan. A plusieurs reprises, Le Caire et Addis-Abeba ont adopté un discours offensif, évoquant la possibilité d’une guerre de l’eau dans le bassin du Nil.

Alors que les Soudanais touchés par les inondations dues aux crues du Nil attendent avec impatience sa mise en route, a contrario, les travailleurs qui dépendent du fleuve s’inquiètent du partage des eaux.

Khartoum a récemment intensifié ses réclamations pour finaliser les ultimes négociations. Le gouvernement soudanais affirme que s'il n'est pas construit et exploité correctement, le barrage aura des répercussions sur l’irrigation de ses terres.

12 photos de Zohra Bensemra illustrent ce propos

Le Nil Bleu prend sa source sur les hauts plateaux éthiopiens et le Nil blanc, au niveau du lac Victoria, à cheval sur trois pays : l’Ouganda, le Kenya et la Tanzanie. Les deux cours d’eau se rejoignent à Khartoum au Soudan et forment ainsi le Nil. Celui-ci traverse alors l'Egypte du Sud au Nord avant de se jeter dans la Méditerranée. Il est le plus long fleuve du monde et sert d'artère vitale à dix pays d’Afrique de l'Est.    (ZOHRA BENSEMRA / REUTERS)
"Si en neuf années de difficiles négociations, les trois pays (Ethiopie, Egypte, Soudan) ont réglé 95% des problèmes techniques, l'accord bute encore sur l’aspect politique et juridique du partage des eaux du Nil. Mais aujourd’hui, il y a urgence, l’Ethiopie étant bien décidée à commencer à remplir son méga-barrage de 5 milliards de dollars, avec le début de la saison des pluies, en juillet 2020", précise Michel Lachkar sur franceinfo Afrique. Mais la difficulté à trouver un accord final s’explique, car il oppose le besoin en électricité de l'Ethiopie, vitale pour son développement économique, aux craintes de l'Egypte et du Soudan d’une baisse de leur approvisionnement en eau, alors que leurs populations respectives sont en forte augmentation.  (ZOHRA BENSEMRA / REUTERS)
Le niveau du fleuve monte très vite et provoque des catastrophes au Soudan à chaque saison des pluies. En 2019, les crues du Nil ont tué 62 personnes et fait des centaines de blessés dans le village de Wad Ramli, à 50 km de Khartoum. Beaucoup de rescapés ont été déplacés et vivent aujourd’hui dans des tentes. Pour ces derniers, il est indéniable que le barrage régulera les débordements dévastateurs du fleuve.  (ZOHRA BENSEMRA / REUTERS)
"Il est vrai que le barrage de la Renaissance abaissera les niveaux d'eau du Nil et empêchera les inondations", déclare à Reuters Manal Abdelnaay, un homme de 23 ans vivant dans une tente après avoir été déplacé. Mais il ajoute : "Il aura cependant un impact sur l'agriculture, et la région de Wad Ramli dont cette activité est la principale ressource." Le risque est que les terres soient moins irriguées.     (ZOHRA BENSEMRA / REUTERS)
Si les crues du Nil ont fait la richesse agricole de la Basse Egypte, les agriculteurs soudanais, eux, s’en plaignent et espèrent que le barrage régulera le niveau du fleuve et leur permettra d’intensifier leurs cultures. Ceux de l'île de Tuti, située au confluent du Nil Bleu et du Nil Blanc au Soudan, partagent le même avis.    (ZOHRA BENSEMRA / REUTERS)
"Je suis venu à Tuti en 1988 parce que la terre est très bonne pour l'agriculture et suffisamment proche pour approvisionner les marchés. Et cela apporte de bons revenus", explique à Reuters le cultivateur Mussa Adam Bakr. "Tout au long de l'année, la terre de Tuti produit toutes sortes de légumes comme les pommes de terre, les oignons, les aubergines", explique-t-il.  (ZOHRA BENSEMRA / REUTERS)
Les fabricants de briques et les potiers sont également très préoccupés par les conséquences du barrage. Le long du Nil Bleu s’alignent des douzaines de grands fours utilisés pour cuire ces briques composées de limon, de fumier, d’eau et de terre crue. "Nous sommes des milliers à vivre de ce métier, hérité de nos ancêtres, si le barrage est construit, tout cela n’arrivera plus", explique un homme.  (ZOHRA BENSEMRA / REUTERS)
David Plantino, 35 ans, est potier depuis sept ans. "Je comptais sur le Nil comme la plupart des gens autour de moi ici pour l'eau et la boue. Les deux sont indispensables pour les personnes qui dépendent de la poterie pour gagner leur vie", déclare-t-il.     (ZOHRA BENSEMRA / REUTERS)
Les briques sont vendues 1 500 livres soudanaises (30 euros) les 1 000 et les briquetiers sont "des milliers à vivre de cette activité traditionnelle tout le long du fleuve. Mais si ce lieu a fourni des briques pour les premiers bâtiments publics modernes de Khartoum il y a environ un siècle, la fumée épaisse qui sort des fours artisanaux ne plaît pas à tout le monde. Certains aimeraient voir disparaître cette activité, au profit de l’agriculture", précise Jacques Deveaux sur franceinfo Afrique.    (ZOHRA BENSEMRA / REUTERS)
Les fumées épaisses impactent l’environnement et la qualité des cultures. "J’ai dû abandonner la culture de fruits et légumes et passer à celle du fourrage, soupire un homme. Je préférerais que l’on remplace la fabrication de briques par une zone agricole irriguée toute l’année. Ce serait meilleur pour l’environnement et pour la commercialisation de nos produits", déclare-t-il à l’AFP cité par "Le Monde".    (ZOHRA BENSEMRA / REUTERS)
Mais Ekram Dagash, professeure de relations internationales à l’université Al-Zaiem Al-Azhari de Khartoum, estime que le développement rendu possible par le barrage compensera les pertes des fabricants de briques. "Le Soudan va encore plus bénéficier du barrage que l’Ethiopie", prédit-elle. Khartoum louera des lignes à haute tension dont l’Ethiopie aura besoin pour exporter l’électricité, explique-t-elle à Reuters. (ZOHRA BENSEMRA / REUTERS)
Addis-Abeba "construit ce barrage pour une unique raison : produire et exporter de l’électricité, non seulement pour les pays voisins mais aussi pour l’ensemble du continent africain." Pour Mme Dagash, le barrage permettra au Soudan de se procurer de l’électricité à bas prix, ce qui permettra à ce pays pauvre mais fertile de développer des projets agricoles et industriels. "Car qui dit électricité, dit développement", ajoute-t-elle.      (ZOHRA BENSEMRA / REUTERS)

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