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Laurent Gbagbo «n’a pas sa place à la CPI», clament ses avocats à La Haye

C’est une procédure plutôt rare dans les annales de la Cour pénale Internationale (CPI) que celle accordée aux avocats de Laurent Gbagbo. Ils estiment qu’en deux ans et demi de procès, l’accusation a été incapable de rassembler des preuves incriminant leur client. Ils ont donc demandé et obtenu des juges l’examen du non-lieu dans ce dossier.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo au cours d'une séance de confirmation des charges à la CPI, le 19 février 2013. (Photo Reuters/Michael Kooren)

A Abidjan, ses milliers de supporters en sont persuadés, Laurent Gbagbo sera bientôt libre. La presse favorable à l’ancien président s’en donne à cœur joie. Elle salue le travail accompli par les avocats de Laurent Gbagbo qui ont mis à mal «la thèse d’un plan commun émise par la procureure Bensouda pour justifier ses accusations de crime contre l’humanité», se réjouit le quotidien Lg info.

«Une déformation de l’histoire»
Pour les avocats de la défense, ce procès repose sur «une déformation de l’histoire. Il s’agit d’examiner s’il convient de mettre un terme à une procédure dont il apparaît qu’elle n’est fondée sur rien», a déclaré l’avocat Emmanuel Arlit.

 Agé de 73 ans, l’ancien président Laurent Gbagbo est jugé pour des crimes commis pendant la crise post-électorale de 2010-2011, qui a fait plus de 3000 morts en Côte d’Ivoire. C’est le premier chef d’Etat à avoir été remis à la CPI qui siège à La Haye.

Pour l’accusation, l’ancien chef de l’Etat s’est accroché au pouvoir par tous les moyens et a fomenté une campagne de violences pour ne pas le céder à son rival Alassane Ouattara, reconnu vainqueur de la présidentielle.

Il est accusé d’avoir ordonné des meurtres, des viols, des persécutions et autres actes inhumains. Laurent Gbagbo plaide non coupable depuis l’ouverture de son procès, en janvier 2016.

«Une enquête construite sur du sable mouvant»
Ses avocats sont formels: «Le procureur n’a prouvé l’existence d’aucun ordre de nature illégale ou criminelle» de la part de leur client. Ils dénoncent une enquête bâclée, «construite sur du sable mouvant».

Malgré les dizaines de témoins, les milliers de documents examinés par l’accusation et les centaines d’heures de vidéos passées en revue, rien ne prouverait donc la responsabilité de Laurent Gbagbo dans les crimes dont on l’accuse.

«Qu’il y ait eu des exactions, personne n’en doute. Elles sont avérées. Mais est-ce-que Laurent Gbagbo était responsable? Est-ce-qu'il a donné des ordres? On a eu exactement la même chose avec Jean-Pierre Bemba (ancien chef rebelle congolais NDLR) dont les miliciens ont commis des exactions en Centrafrique. Il a été acquitté par la CPI des crimes commis par ses hommes», fait remarquer Antoine Glazer, journaliste et écrivain spécialiste de l’Afrique sur le plateau de France 24.

Le débat organisé par la chaîne française portait sur la question de savoir si l’on s'achemine vers un acquittement de l’ancien président ivoirien.

Présent sur le plateau, le journaliste Vincent Hugeux, grand reporter à l’Express et bon connaisseur de la Côte d’Ivoire, avance trois scénarios: une confirmation des charges, un acquittement partiel ou un acquittement total de l’ancien président qui, lui, semble toutefois assez improbable.

«Imaginons un acquittement total. Eh bien qu’est-ce qui se passera? Evidemment il y aura appel. Les magistrats de la CPI et leur procureure en premier lieu feront appel. Et cet appel sera suspensif. Ce n’est pas demain matin que Laurent Gbagbo va débarquer triomphalement à l’aéroport d’Abidjan pour être porté à la présidence par ses partisans. Non, il ne faut pas fantasmer là-dessus», estime-t-il.

«Est-ce-que le droit sera dit»?
Depuis La Haye où il suit le procès de Laurent Gbagbo, son ancien ministre du Commerce Eric Kahé était aussi l’invité de ce débat. Il estime qu’un procès équitable pour Laurent Gbagbo est une opportunité pour la CPI de ne plus être la cible des critiques.

«Il ne s’agit pas de dire si Laurent Gbagbo va retourner ou non dans son pays dès qu’il sera libéré. Ce qui nous intéresse, c’est de savoir si la justice sera dite. Est-ce-que le droit sera dit? Le président Gbagbo ne sera pas libéré pour les simples besoins de la réconciliation. Il sera libéré pour les besoins de la vérité», plaide-t-il.

Les audiences sur la demande d’acquittement de Laurent Gbagbo et de son ancien ministre Charles Blé Goudé se tiendront jusqu’au 22 novembre 2018. La décision des juges pourrait prendre plusieurs mois.

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