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Ebola : l'alerte mondiale a été retardée par l'OMS

Un an, jour pour jour, après que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a notifié officiellement l’épidémie de la maladie à virus Ebola, c’est l’heure des bilans. Et surtout celui de réitérer, preuves à l’appui, la critique faite à l’agence des Nations unies : elle aurait trop tardé à lancer l’alerte.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le virus Ebola (APA / SCIENCE PHOTO LIBRARY)

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a tardé à déclarer que l’épidémie de la maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest était une urgence sanitaire mondiale, selon des documents internes obtenus par l’agence américaine Associated Press (AP). Les mêmes critiques sont faites par Médecins sans frontières (MSF) dans un rapport publié lundi 23 mars 2015. 

L’agence des Nations unies avait publié un an plus tôt, jour pour jour, «la notification officielle d’une flambée de maladie à virus Ebola en Guinée». Le 8 août, l’épidémie était déclarée «urgence de santé publique de portée internationale». Soit «deux mois après» l'évocation de cette possibilité et «longtemps après» qu’un haut responsable eut préconisé un changement de stratégie, indique AP.

Pour ne pas «fâcher les pays africains concernés»
Pour les responsables de OMS, peut-on lire dans les emails que se s'est procuré l’agence américaine, une telle mesure aurait pu «fâcher les pays africains concernés, mettre à mal leurs économies ou encore interférer avec le pèlerinage à la Mecque», rapporte AP.  Ce retard aurait provoqué 1000 décès. Le Dr Margaret Chan, directrice générale de l’OMS, n’a pas souhaité, réagir à l'article d'AP. L'agence de presse explique cependant que le Dr Sylvie Briand, directeur du département pandémies et épidémies de l'OMS, reconnaît que son organisation a pris de mauvaises décisions tout en estimant que celle de retarder l’alerte mondiale avait du sens parce qu’elle aurait eu des conséquences économiques catastrophiques.

Dans son rapport, MSF note que «les gouvernements de Guinée et de Sierra Leone ont été très réticents à admettre la gravité de l’épidémie, une situation qui a fait obstacle au déploiement d’une réponse rapide». Mais l'ONG française souligne surtout dans le document qu’elle a alerté l'OMS à plusieurs reprises (le 31 mars et le 21 juin) sur le caractère «sans précédent» de l’épidémie d’Ebola qui touchait l’Afrique de l’Ouest. Mais dès le 1er avril, l'agence onusienne minimisera la situation en «arguant que la dynamique virale ne diffère pas de celle des épidémies antérieures et n’est pas non plus sans précédent».
 
Et MSF de conclure : «Lorsqu’il est devenu évident que ce n’était pas simplement le nombre de cas qui était préoccupant mais plutôt la propagation de l’épidémie, des lignes directrices claires auraient dû être établies et un leadership aurait dû être assumé par l’OMS». «Il incombait à l’OMS, et non à MSF, de combattre Ebola», dixit Christopher Stokes, directeur général de l'ONG. 

Un an après la notification de l’épidémie, Ebola a infecté au moins 24.000 personnes et fait plus de 10.000 morts. Le premier cas fut signalé le 26 décembre 2013 dans le village de Meliandou, dans la région forestière de la Guinée. Avec la Sierra Leone et le Liberia, ce pays est l’un des trois principaux touchés par le virus en Afrique de l’Ouest.

La double peine ?
La réaction de l’OMS est critiquée. A l'instar de l'attitude de la communauté internationale vis-à-vis du continent africain. «Si cette crise avait frappé une autre région, on aurait probablement géré cela très différemment», déclarait le diplomate ghanéen Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations unies, à la BBC jeudi 16 octobre 2014.

Six mois après avoir signalé la menace sanitaire, Margaret Chan faisait également un amer constat. «Le virus Ebola est apparu il y a près de 40 ans. Pourquoi les cliniciens sont-ils toujours démunis et n’ont ni vaccin ni traitement ? La raison en est que, historiquement et géographiquement, Ebola est resté confiné dans des pays africains pauvres. Il n’y a pratiquement aucune incitation à la recherche-développement. Un secteur orienté sur le profit n’investit pas dans des produits destinés à des marchés qui n’ont pas les moyens de payer».

Elle n’est pas la seule experte à souligner l’évidence. «La fièvre Ebola est l’une des nombreuses maladies négligées dans le monde, parmi lesquelles on peut citer le paludisme, la maladie du sommeil ou les maladies parasitaires», notait Marcel Tanner, le responsable de l’Institut tropical et de santé publique suisse dans un entretien accordé en septembre 2014 à Swissinfo. Les pathologies citées font également toujours des centaines des milliers de morts chaque année dans les zones pauvres identifiées par la responsable de l’OMS. 

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