Reportage "On est entre le ciment et le fer" : à Dakar, les chantiers du littoral à l'arrêt pour ralentir la bétonisation de la presqu'île

Le nouveau président du Sénégal a décidé de stopper tous les chantiers en cours sur la corniche de Dakar, le temps d'en vérifier les normes. Une décision qui avait été réclamée par les défenseurs de l'environnement, mais redoutée par les ouvriers.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Depuis une vingtaine d'années, la bétonisation grignote la corniche de Dakar. (Photo d'illustration). (NICOLAS REMENE / LE PICTORIUM / MAXPPP)

Ce matin-là, la voiture du nouveau président, Bassirou Diomaye Faye, élu début avril, et son cortège sillonnent la corniche de Dakar et passent devant les différents chantiers. Le président veut vérifier que les tractopelles et les grues sont bien à l’arrêt sur cette zone maritime protégée, le temps de vérifier leurs autorisations. Un moyen aussi de contrôler la bétonisation qui grignote le littoral depuis une vingtaine d'années. 

Une suspension bien reçue par les Dakarois, comme Balla, qui se retrouvent de plus en plus coupés de leur littoral. "Je pense que c'est une décision pertinente, parce que le littoral est un bien commun, donc on ne peut pas vendre le littoral à des gens qu'on ne connaît même pas." 

Coura, de son côté, ne reconnaît plus la ville dans laquelle elle a grandi, où les chantiers se multiplient depuis le début des années 2000. "Aujourd'hui, on a du mal à voir la plage en étant en voiture, se désole-t-elle. Il fut un temps où, en étant en voiture, on avait l'air pur, on respirait, on voyait la plage. Ça faisait plaisir de rouler sur la corniche de Dakar. Mais aujourd'hui, quand on roule, on est entre le ciment et le fer."

Éviter le désensablement et l'érosion côtière

L’arrêt des constructions était aussi une demande des défenseurs de l’environnement. La bétonisation des falaises et des plages a des effets directs sur les sols, comme l’explique Alioune Sané, responsable des écologistes du département de Dakar. "Quand vous creusez, vous dérangez le sol. Ensuite, vous facilitez l'avancée de l'eau, de la mer, ce qu'on appelle l'érosion côtière. Il faut éviter le désensablement." Les bâtiments bloquent également les vents qui viennent rafraîchir la grande métropole.

Sur un grand chantier arrêté, des employés sont privés de travail depuis mardi. Ils hésitent à s’exprimer. "En ce moment, c'est un peu sensible", reconnaît l'un d'eux. Mais la mesure les met en colère. "Si on ne travaille pas, est-ce qu'on va être payés ? Ils nous mettent au chômage." Ces responsables de famille se retrouvent privés de revenus à la veille de la Tabaski, grande fête religieuse. Pour Alioune Sané, les coupables ne sont pas uniquement les promoteurs immobiliers, mais aussi les autorités qui ont donné les permis : "S'il y a toutes ces constructions, c'est parce que l'urbanisme a donné l'autorisation, les mairies sont peut-être aussi impliquées. Ils n'ont qu'à aller voir qui est à l'origine de tout ça." Des procédures judiciaires pourraient entre engagées entre les promoteurs et l’État.

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