Violées, humiliées, abandonnées: la Cour pénale internationale leur rend justice
La procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a parlé d’un jour historique : «Je crois que c’est un jour très important pour la justice pénale internationale surtout en ce qui concerne les crimes sexuels», a-t-elle déclaré après l’annonce du verdict.
La juge de la Cour pénale internationale a égrené une longue liste de viols, souvent accompagnés d’autres violences, commises par les troupes de Jean Pierre Bemba. Ce dernier avait dépêché ses hommes en Centrafrique en 2002 pour sauver le pouvoir menacé de l’ancien président Félix Patassé.
«Là, ils avaient violé tout ce qui se trouvait sur leur chemin, tué et pillé la population», assure l’accusation.
Des témoignages qui donnent froid dans le dos
Au cours du procès, un témoin avait raconté comment les soldats de Jean-Pierre Bemba avaient violé une fillette de 8 ou 9 ans. «L’enfant était potelée», avait-il raconté : «Puisque la petite est encore fraiche, ils n’ont pas pris la maman, ils ont préféré la petite, ils l’ont violée devant sa maman dans la maison».
Plusieurs témoins ont raconté le calvaire des femmes violées par les hommes du chef rebelle congolais en 2002 et 2003. Marie Helène Ngoïta a raconté à l’AFP comment elle a croisé ses agresseurs.
Alors que je sortais de la maison, trois hommes se tenaient déjà devant la porte. L’un a ordonné que je sorte de la maison et que je me couche par terre. J’ai refusé. Le second a levé son arme dans la direction se faisant plus menaçant encore. Ils m’ont précipitée par terre et se sont mis à me violer à tour de rôle. Il n’y avait personne pour me venir en aide».
Marie-Chantal Solamosso a été violée sous les yeux de son père ligoté dans sa maison où sont entrés un matin près d’une dizaine de combattants de Jean Pierre Bemba.
« L’un a pris son arme et il a tiré sur mes deux pieds. Je suis tombée. Cinq se sont relayés et sont passés sur moi. Plusieurs semaines durant, je ne sentais plus mon corps ».
De ce viol est né un enfant de père inconnu. De nombreuses victimes de ces viols sont déjà mortes. D’autres vivent repliées sur elles mêmes. Elles n’avaient jamais espéré voir le responsable de leur calvaire se tenir à la barre pour répondre de ses actes.
Dans un communiqué, l’actrice américaine Angélina Jolie, ambassadrice du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés, a salué les survivants et les témoins qui ont témoigné avec courage dans cette affaire et contribué à cette condamnation historique.
La responsabilité du commandant
Pour la première fois, un chef militaire, en l’occurrence Jean Pierre Bemba, est condamné pour viol comme crime de guerre. Il est condamné aussi sur la base de ses responsabilités de commandement.
«Jean-Pierre Bemba était en contact constant avec ses troupes. Il avait une ligne directe de communication, il pouvait donner des ordres», a soutenu le juge Steiner en réponse aux avocats de la défense selon lesquels, il n’existe aucune preuve d’un ordre donné par Jean Pierre Bemba à ses troupes envoyées en Centrafrique.
Pour Amnesty International, «ce jugement historique est un message clair que l’impunité pour les violences sexuelles en tant qu’outil de guerre ne sera pas tolérée».
Human Righst Watch évoque l’important besoin de justice pour ces crimes en République démocratique du Congo d’où Jean Pierre Bemba est originaire.
Pour les défenseurs des droits de l'homme, il s'agit d'unmessage clair adressé à tous les chefs militaires et les leaders politiques qui n’empêchent pas leurs subordonnés de commettre de tels crimes.
Le viol en guise de salaire
Le Soudan du Sud est particulièrement concerné par le message délivré à la CPI. Là bas, «des groupes alliés au gouvernement sont autorisés à violer les femmes en guise de salaire», selon un rapport publié par le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme.
C’est dire si la CPI a encore du pain sur la planche.
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