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RDC : "Une élection de tous les dangers". La société civile redoute le chaos après la présidentielle du 23 décembre

De passage à Paris, Dismas Kitenge, le président du groupe Lotus, une ONG congolaise de défense des droits de l'Homme, dit redouter une crise post-électorale de grande envergure qui ferait de nombreuses victimes en RDC. Il s'est confié à Franceinfo Afrique.

Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le congolais Dismas Kitenge à Paris le 27 mars 2014. C'est le président d'une ONG de défense des droits de l'Homme (le groupe Lotus) basé dans l'est de la RDC.  (ALAIN JOCARD / AFP)

Dismas Kitenge partage les mêmes craintes que le groupe des experts du Congo de l’université de New York. Ces derniers viennent de publier un rapport au titre inquiétant : Une élection de tous les dangers. Pour eux, le scrutin qui s'annonce risque de faire tomber ce géant de l’Afrique dans des années de contestation. Ils affirment que le 23 décembre, il pourrait y avoir plus de sept millions de voix potentiellement frauduleuses.

"On voit bien que ces élections sont mal parties. Il n’y a pas de consensus sur la machine à voter. Moi qui vous parle, je n’ai vu cette machine qu’à la télévision. Imaginez les populations rurales dont la grande partie est analphabète. L’utilisation de cette machine sera un véritable casse-tête. L’autre défi, c’est le déploiement de ce matériel électoral aux quatre coins du pays".

Des massacres répétitifs en toute impunité

Dismas Kitenge explique à Franceinfo Afrique que ces élections ne pourront pas se dérouler sur l’ensemble du territoire congolais. Dans certaines régions, remarque-t-il, l’insécurité est telle qu’il est impossible d'organiser ce scrutin. C’est le cas de la province du Nord-Kivu, dans l’est du pays, où une quarantaine de groupes armés font la loi. Les massacres des populations civiles s’y poursuivent en toute impunité. Un désordre qui profite aux réseaux financiers qui exploitent illégalement les ressources naturelles dont regorge la région, déplore-t-il.

"Les victimes se chiffrent par centaines parmi la population civile. Et ça se répète régulièrement. Les populations en colère dénoncent le manque de protection et l’impunité dont jouissent les responsables de ces crimes. Ils dénoncent la faiblesse de l’Etat congolais, incapable de les protéger, et l’inefficacité des forces des Nations Unies présentes en grand nombre dans cette région."

Une famille congolaise en deuil après un massacre attribué aux rebelles des Forces démocratiques alliés (ADF) à Beni, le 11 décembre 2018, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC). (JOHN WESSELS / AFP)

Beaucoup d'arrestations arbitraires, des opposants croupissent toujours en prison

Dismas Kitenge, président du groupe Lotus

Franceinfo Afrique

Dismas Kitenge en est persuadé, le processus électoral en cours va déboucher sur des élections chaotiques qui seront contestées à grande échelle. Il redoute que le pays ne retombe dans la guerre civile comme celle qui a ravagé le pays en 1998 lorsque plusieurs signeurs de guerre s'étaient partagé le pays.

"Les dangers de la balkanisation du pays sont là. Ce n’est pas seulement le fait des Congolais. Cela peut venir aussi des forces exogènes qui peuvent agir à distance, ou des forces régionales qui ne veulent pas que l’autorité de l’Etat s’installe sur l’ensemble du pays", prévient-il.

Les partenaires étrangers tenus à l'écart

Pourquoi le gouvernement congolais a-t-il tenu à l’écart de ce processus électoral tous ses partenaires étrangers ? Pourquoi a-t-il refusé toute aide financière et logistique y compris celle de la mission des Nations Unies déployée dans le pays ? «Parce qu’il a des choses à cacher, répond Dismas Kitenge. Cela marque la volonté des autorités de refuser que le scrutin se déroule dans la transparence", estime le président du groupe Lotus qui appelle la communauté internationale à rester vigilante.

"La situation des droits humains est vraiment catastrophique. La liberté d’expression est bafouée tout comme la liberté de manifester. Les médias d'Etat sont contrôlés par le pouvoir en place. Les opposants n'ont pas le pouvoir de s'exprimer". Une situation potentiellement explosive qui inquiète la société civile congolaise. Elle redoute que le scrutin qui s'annonce ne soit une nouvelle occasion manquée d'une alternance apaisée en République démocratique du Congo.

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