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RDC : pollution minière, les populations du Katanga en paient le prix fort

C’est une région qui regorge de ressources naturelles. Du cuivre, du cobalt et même de l’uranium. C’est dans une mine du Katanga que fut extrait l’uranium qui a servi à fabriquer la première bombe atomique. Des richesses qui ne profitent pas vraiment aux populations locales. Elles contribuent en revanche à polluer leur environnement. Géopolis a recueilli le témoignage de l’ONG Umoja.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Une usine d"extraction du cuivre à Lubumbashi dans la province minière du Katanga. L'usine dispose d'un four d'une très gande capacité, le deuxième plus grand du monde, utilisé pour extraire le cuivre, le cobalt et le fer.  (Photo AFP Phil Moore)

 
Les habitants de la ville de Likasi, à 150 kilomètres de Lubumbashi, la capitale du Katanga, en savent quelque chose. La région est connue pour ses fabuleuses richesses minières exploitées dès la première moitié du XXe siècle par le colonisateur belge.
 
Aujourd’hui, la RDC s’est hissée au rang de cinquième producteur mondial de cuivre. C’est aussi le premier producteur de cobalt.
 
Pourtant, 90% de la population de Likasi (près de 500.000 habitants) vivent avec moins d’un demi-dollar par jour. 70% n’ont pas accès à l’eau potable ni à l’électricité. Et encore moins aux soins de santé de qualité. Et comme si la pauvreté ne suffisait pas, ils doivent vivre dans un environnement pollué et contaminé par les entreprises minières qui exploitent leurs richesses minières.
 
Augustin Mwamba Lumbala est coordonateur de l’ONG UMOJA qui se bat contre la pollution minière dans la ville de Likasi et ses environs. Ils s'est confié à Géopolis: «Les entreprises minières qui exploitent le cuivre et le cobalt déversent des déchets liquides et solides dans les rivières et dans l’environnement. Nos rivières et nos lacs sont pollués. Ce qui contamine la faune et la flore», se plaint-il.
 
Des sites d’exploitation minière aux portes des habitations
Les sites d’exploitation minière jouxtent des quartiers d’habitations, des champs et des écoles. Résultat : à Lubumbashi, une agglomération de plus de deux millions d’habitants au cœur de la région minière du Katanga, l’atmosphère est chargée de poussière ou de particules.
 
«On a la sensation de suffoquer en respirant», se plaint une habitante, interrogée par l’AFP.
 
En 2013, l’ONG Umoja a enquêté sur l’impact de la pollution minière dans la ville de Likasi. Elle explique comment d’énormes quantités de déchets solides toxiques, des rejets gazeux et d’eaux usées contenant des produits chimiques ainsi que des métaux lourds sont déversés dans l’air, dans les rivières et sur le sol.
 
«Vous savez qu’il y a autour des entreprises minières des bassins de rétention où les entreprises jettent des déchets solides riches en métaux lourds. Les digues de certains bassins ont déjà cédé. D’autres débordent. Les déchets se déversent dans les sols. Ils les contaminent et causent des problèmes aux cultures», raconte Augustin Lumbala à Géopolis.
 
L’enquête menée par l’ONG Umoja a montré que la population se contamine par la manipulation des produits et des rejets miniers, par l’inhalation de la fumée et de la poussière, par la consommation des légumes arrosés de l’eau contaminée et par la consommation des poissons contaminés aux métaux lourds.
 

Le ravin de Kaputula dans le haut Katanga photographié le 24 mai 2016. Un site pollué par le rejet des déchets de l'ancienne Gécamine, la société minière publique de la RDC. (Phoito Junior Kannah)

Troubles respiratoires et malformations congénitales
Selon le toxicologue congolais Célestin Banza, professeur à l’Université de Lubumbashi, cette pollution minière est à l’origine d’une longue liste de maladies dont souffre la population: troubles métaboliques et respiratoires, sensations de brûlures aux yeux et à la gorge, tumeurs diverses, malformations congénitales, stérilité…
 
Dans une enquête sur la pollution à Lubumbashi menée avec des experts belges en 2012, le toxicologue congolais avait révélé des concentrations de cobalt, de cuivre, de plomb, voire d’uranium dans les urines, en particulier celles des enfants. Des concentrations dépassant largement les valeurs de référence admises par l’organisation mondiale de la santé (OMS).
 
Des observations que confirme le docteur Jean-Marie Kazadi, directeur des services de santé publique au Katanga. Pour lui, la pollution dans la région ne date pas d’hier.
 
Au sud de Lubumbashi, la savane arborée a totalement disparu à certains endroits où se déversaient les rejets d’une ancienne exploitation de la société minière publique congolaise, la Gécamines.
 
«Depuis plus de trente ans, plus rien n’a poussé sur cet espace», témoigne un enseignant retraité, aux yeux larmoyants, comme la majorité des riverains rencontrés par un journaliste de l’AFP.
 
L’ONG Umoja salue les efforts déployés par certaines entreprises pour respecter les normes environnementales, mais estime que beaucoup reste encore à faire pour stopper la pollution minière au Katanga.
 
«Il y a aujourd’hui des entreprises qui exploitent des minerais sans utiliser de l’eau. Des méthodes que les autres peuvent utiliser pour ne pas générer beaucoup de déchets. La santé de la population n’a pas de prix. Vous voulez exploiter des minerais? Vous voulez avoir de l’argent? Vous devez tenir compte de la santé des populations locales», plaide Augustin Mwamba Lumbala de l’ONG Umoja qui se bat pour la réhabilitation de tous les sites pollués dans la région. 



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