RDC : le président Tshisekedi veut renégocier les contrats miniers
Des accords déséquilibrés ont depuis des années privé le pays d'immenses richesses au profit de multinationales étrangères.
En visite le 13 mai 2021 à Kolwezi, au Katanga, le président congolais Félix Tshisekedi a annoncé vouloir revoir les contrats miniers signés par la RDC dans les années passées. "Il n'est pas normal que ceux avec qui le pays a signé des contrats d'exploitation s'enrichissent pendant que nos populations demeurent pauvres. (...) Il est temps que le pays réajuste ses contrats avec les miniers pour sceller des partenariats gagnant-gagnant", a-t-il lancé lors d'un meeting en centre-ville, acclamé par des milliers d'habitants. La veille à Lubumbashi, il avait déjà rodé son discours, pointant du doigt les investisseurs "qui nous ont trop volés", alors que le peuple congolais "continue à croupir dans la misère".
Les Chinois sont les premiers visés
La dépêche de l'Agence France Presse a été reprise par tous les grands médias. Ce discours très offensif a fait l'effet d'une bombe et a bien sûr enflammé les plus nationalistes des Congolais.
Si aucun des investisseurs n'a été cité, pour beaucoup cela ne fait aucun doute, les Chinois sont les premiers visés. Au Katanga, où opèrent une quarantaine d'entreprises minières, les trois-quarts sont chinoises ou détenues majoritairement par des capitaux chinois. Et selon le site Africa Intelligence, "l'exécutif congolais entame un bras de fer avec la Chine sur les contrats passés avec l'ex-président Joseph Kabila, dont les clauses sont jugées contraires aux intérêts du pays".
Le niveau des pertes
Selon le président de la société nationale Gécamines, Albert Yuma, le pays a perdu entre 40 et 54 millions de tonnes de minerais entre 1996 et 2008 dans ces accords de partenariat. "Gécamines a vu fondre son patrimoine 'légalement' – si vous me permettez l’expression – de 40 millions de tonnes de cuivre, 4,5 millions de tonnes de cobalt et de 4,3 millions de tonnes de zinc qui ont été transférées dans des joint-ventures", a précisé Albert Yuma lors d'une séance du Conseil économique et social le lundi 3 mai. Suite à ces contrats miniers déséquilibrés, la RDC a perdu environ 6,5 milliards de dollars entre 1996 et 2009.
Des propos qui ont vite déclenché des réactions de la part des acteurs internationaux. Peter Pham, l'envoyé spécial américain dans la région, s'est empressé de saluer l'initiative congolaise, lançant même un "bravo" très remarqué à l'attention du président congolais. Un soutien qui illustre le réchauffement très net entre les deux pays depuis l'arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir.
Réaction chinoise
Et Zhu Jing, l'ambassadeur de Chine en République démocratique du Congo, de réagir à son tour sur Twitter.
La RDC et l'Afrique ne doivent pas être le champ de bataille des puissances.Soyons vigilants à ceux qui crient aux combats et cherchent à créer de l'hostilité. https://t.co/WLjBLn2rmg
— Zhu Jing 朱京 (@Amb_ZhuJing) May 13, 2021
Kabila le retour ?
Mais si les deux grandes puissances poussent leurs pions, Félix Tshisekedi a lui un intérêt de politique intérieure. Il s'agit de montrer à la population qu'il s'affranchit un peu plus de la tutelle de son ancien allié Joseph Kabila. Car c'est ce dernier au pouvoir de 2001 à 2019, qui avait négocié en 2008 un contrat sous forme de troc (cobalt et cuivre contre la construction d'infrastructures) avec un consortium chinois pour un montant de neuf milliards de dollars, renégocié à six milliards sous pression du FMI. A ce jour, près de 2,74 milliards ont été décaissés par la partie chinoise, pour l'essentiel sous forme d'investissements.
Et ce discours est également une pique lancée à son prédécesseur, dans son propre fief. D'autant que depuis maintenant un an, l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) est chargée de faire une évaluation sur ces contrats chinois. Faire la lumière sur de possibles fraudes. Alors que les soutiens de Joseph Kabila entretiennent la rumeur d'un possible retour aux affaires de l'ancien président, il est de bonne guerre politique de lui compliquer la tâche.
Il convient aussi de calmer un pays en attente, qui désespère de voir son niveau de vie progresser. Faute de résultats tangibles, le président Tshisekedi doit au moins montrer que cela reste une préoccupation majeure. La renégociation des contrats n'ira peut-être pas plus loin que ce discours.
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