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Togo : trois journaux proches de l'opposition suspendus par les autorités

Une suspension prononcée par la Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication (HAAC), l'organe de régulation des médias au Togo.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
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Temps de lecture : 4 min
Des habitants de Lomé, au Togo, lisant la presse près d'un marchand de journaux le 11 janvier 2010. (EMILE KOUTON / AFP)

Fraternité, hebdomadaire togolais proche de l'opposition, a été suspendu le 30 mars 2020 par la Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication (HAAC), suite à la parution d'un article dénonçant la suspension de deux autres journaux, Liberté et L'Alternativeeux aussi proches de l'opposition. Ceux-ci, interdits après une plainte de l'ambassadeur de France au Togo, avaient évoqué une ingérence de Paris dans le récent processus électoral.

"Propos discourtois"

Fraternité a écopé de deux mois de suspension à partir du 1er avril pour "propos discourtois, injurieux et diffamatoires à l'endroit des membres de la HAAC", selon le communiqué de la Haute-autorité, dans son article publié le 25 mars, et intitulé : Suspension des journaux L'Alternative et Liberté : du zèle, rien d'autre !

La HAAC, après avoir demandé de façon surréaliste et en vain aux deux organes d'apporter la preuve des affirmations dans leurs publications, a choisi d'aller directement à la sanction

Le journal Fraternité

"Si ce n'est la manifestation d’un zèle de godillot, c'est purement de l'acharnement", poursuit l'hebdomadaire. "Dans sa plainte, l’ambassadeur a refusé délibérément d’exercer le droit de réponse", affirme-t-il. 

En publiant cet article, l'hebdomadaire 'Fraternité' n'a pas respecté les règles professionnelles, en violation des dispositions du code de déontologie des journalistes du Togo, du code de la presse et de la communication

Communiqué de la HAAC

"Je trouve la décision regrettable. La HAAC devrait faire mention plus honorable en jouant à la conciliation, au lieu de sanctionner, au pire des cas, faire une mise en garde", a déclaré à l'AFP Joël Vignon Kossi Egah, directeur de publication de Fraternité.

Une plainte "inhabituelle"

Le bi-hebdomadaire L'Alternative et le quotidien Liberté, deux journaux proches de l'opposition, ont été suspendus le 23 mars par la HAAC, respectivement pour 15 jours et deux mois, suite à une plainte de l'ambassadeur de France au Togo, Marc Vizy. Cette plainte est un "fait inhabituel", souligne RFI. Ils sont accusés d'avoir publié des articles comportant des "accusations graves, infondées et calomnieuses" contre le diplomate, la France, mais aussi contre Franck Paris, conseiller Afrique du président français Emmanuel Macron. Ces journaux proches de l'opposition les soupçonnent d'ingérence dans le récent processus électoral.

Policiers d'une unité anti-émeutes circulant à Lomé le 28 février 2020 (REUTERS - LUC GNAGO / X01459)
Dans un article mis en ligne le 28 février, L'Alternative, dont le site internet reste consultable, a accusé ce dernier de "connivence incestueuse" avec le pouvoir togolais. "Il se charge de ripoliner l’image et rendre lisse la dictature togolaise auprès de son patron Emmanuel Macron, en contrepartie d’espèces sonnantes et trébuchantes", écrit le journal cité par RFI. L'article incriminé n'est apparemment plus accessible en ligne.

De son côté, Liberté a mis en cause le 3 mars l'ambassadeur Marc Vizy qualifié, dans un article, d'"autre ennemi de la démocratie au Togo". Le 1er avril, seule la manchette de l'article était présente en page d'accueil de son site. "Pour les générosités dont il jouit régulièrement du régime, (le diplomate) se range du côté de la dictature. Pour lui, l'argent a plus de valeur que la libération du peuple togolais tout entier", affirmait alors le quotidien.

Dans un communiqué publié le 31 mars, Amnesty International a qualifié de "disproportionnée" la sanction infligée à Fraternité

La sanction (...) constitue une attaque contre les médias en général et une violation du droit à la liberté d’expression.

Amnesty International

Critiques contre la France

Ces accusations de l'opposition togolaise contre la France et ses représentants rappellent celles contre le franc CFA ces derniers mois. "Que ce soit sur les médias, sur les réseaux sociaux et dans les discussions entre Togolais dans les rues, le franc CFA fait débat", notait en février le site de la Deutsche Welle. "Il nous faut notre propre politique monétaire (...) parce que nous sommes indépendants", expliquait alors un adversaire de la devise. Il est indispensable "que la France ne continue pas à guider, à avoir la main mise sur notre économie. Cela, aujourd’hui, indispose."

"Le slogan 'France, dégage !' se répand dans les anciennes colonies (africaines) françaises, soixante ans après leur indépendance. Manifestants et intellectuels réclament la fin du franc CFA ou l’arrêt de l’opération militaire Barkhane, engagée au Mali depuis 2013", observait Le Monde Diplomatique dans son numéro de mars. 

Alors que la concurrence avec d’autres puissances s’accroît, l’ampleur de la contestation (en Afrique, NDLR) prend Paris au dépourvu.

Le Monde Diplomatique

La famille Gnassingbé au pouvoir au Togo depuis 53 ans 

Le président sortant Faure Gnassingbé a été réélu le 22 février avec 70,78% des voix, selon les résultats définitifs de la Cour constitutionnelle. Des résultats contestés par l'opposition notamment l'ancien Premier ministre Agbéyomé Kodjo, qui a dénoncé de graves "irrégularités". Ce dernier, dont l'immunité parlementaire a été récemment levée par l'Assemblée nationale, était convoqué le 1er avril devant le service central de recherches et d'investigations criminelles de la gendarmerie.

Faure Gnassingbé est arrivé au pouvoir en 2005 après le décès de son père, le général Gnassingbé Eyadéma. Avant son fils, ce dernier avait dirigé le Togo d'une main de fer pendant 38 ans.

Le président togolais, Faure Gnassingbé, s'adresse à ses partisans le 24 février 2020, deux jours après sa victoire à la présidentielle du 22 février.  (LUC GNAGO / X01459)

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