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Tanzanie: le pouvoir s'attaque aux blogs et autres médias en ligne

Si depuis une dizaine d’années, les blogs se sont développés en Tanzanie, une majorité d’entre eux pourrait bien, demain, disparaître. En cause, un impôt équivalent à 750 euros à l’enregistrement de tout nouveau blog. Mais au-delà, il pourrait s’agir d’une mesure du président tanzanien John Magufuli destinée à museler toute forme d’opposition.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un homme lit le quotidien «The Citizen», le 23 mars 2017 à Arusha, dans le nord de la Tanzanie. (STRINGER / AFP)

L’accès à internet ne touchait en 2017 que 45% des 60 millions de Tanzaniens. En revanche 60% des jeunes possédaient un compte Facebook et 87% de la population disaient utiliser quotidiennement un téléphone portable.

Les blogs, apparus il y a une dizaine d’années en Tanzanie, ont rapidement constitué un important contre-pouvoir vis-à-vis de la presse d’Etat. Avec les réseaux sociaux, ce sont eux qui véhiculent la contestation antigouvernementale ou appellent à manifester contre la perte des libertés politiques et les violations des droits de l’Homme.

Médias fermés, journalistes menacés
Depuis deux ans, une loi oblige les journalistes à s’enregistrer auprès de l’administration. Certains d’entre eux sont menacés de mort ou arrêtés. Les médias jugés critiques à l'égard du pouvoir sont fermés.

Tous sont dans le collimateur du gouvernement, selon qui les blogs et les réseaux sociaux sont décadents et les médias peuvent représenter un danger pour la sécurité nationale.


Ce n’est donc pas un hasard si le 16 mars 2018, le gouvernement tanzanien a mis en place une taxation et un règlement pour les contenus en ligne. Ils s’adressent aux blogueurs, hébergeurs de contenus, cybercafés, forums, radios et télévisions en ligne, médias sociaux et abonnés à ces contenus.

L’inscription d’un blog ou média en ligne est dorénavant conditionnée au versement d’une taxe de 750 euros. La licence est à renouveler tous les trois ans, sans garantie d’obtention, et une redevance de 360 euros à régler chaque année. Des sommes énormes pour la plupart des Tanzaniens, dont 12 millions vivent toujours dans une extrême pauvreté.

Un moyen de faire taire les critiques
Pour RSF, ces nouvelles mesures sont un «coup de canif supplémentaire à la liberté de la presse en Tanzanie». Les blogueurs, eux, dénoncent la volonté du président John Magufuli élu en 2015, de faire taire toute voix dissidente, vite qualifiée de cybercriminelle par le pouvoir.

Le journaliste Maxime Melo comparaît en décembre 2016 pour avoir refusé de donner ses sources à la police dans le cadre d'un article publié sur son site Jamii Forums. (DANIEL HAYDUK / AFP)

En cas de publication en ligne de «contenus indécents, obscènes, appelant à la haine, extrêmement violents», ou de contenus «incitant au crime ou menant au désordre public», selon le texte de loi, le contrevenant est passible d’une amende pouvant aller jusqu'à 1.800 euros et/ou un minimum de 12 mois de prison.

De même, selon le site Quartz, «le règlement général, baptisé le Règlement sur les communications électroniques et postales (contenu en ligne) de 2018, devrait conférer au gouvernement des pouvoirs illimités pour surveiller le web». Même «les cybercafés devraient installer des caméras de surveillance pour enregistrer et archiver les activités dans leurs locaux commerciaux».

Un président inflexible
Si en quelques années, John Magufuli a été plébiscité pour son inflexibilité dans la lutte contre la corruption, il a aussi été très décrié pour ses atteintes aux droits de l’Homme et à la liberté d’expression.

Après les dernières mesures de mars 2018, le Comité de protection des journalistes, une ONG américaine spécialisée dans la surveillance des abus contre la presse, a souhaité que le président reconsidère sa décision.

Mais le mépris affiché de Magufuli pour les blogueurs et les médias sociaux, qui empêchent selon lui de se concentrer sur le développement en Tanzanie, ne laisse guère de place au doute quant à sa volonté de poursuivre sa politique en la matière…

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