Soudan : les manifestants visent désormais le régime dans son ensemble
Une semaine après le renversement par l'armée du président Omar el-Béchir, les manifestants maintiennent la pression pour en finir avec l'ensemble de son régime, au quatrième mois d'une contestation populaire inédite dans ce pays pauvre de la Corne de l'Afrique.
Le dictateur de 75 ans a vu ses trois décennies de règne s'achever le 11 avril 2019, après sa destitution par l'armée sous la pression d'un mouvement populaire déclenché en décembre 2018 à la suite d'un triplement du prix du pain. Un mouvement qui s'est ensuite transformé en contestation du régime. "C'est la première semaine de ma vie que je vis sans Béchir", confie à l'AFP Tareq Ahmed, ingénieur de 28 ans, qui participe depuis près de deux semaines au sit-in devant le siège de l'armée dans le centre de la capitale soudanaise Khartoum. "Je suis fier de ce que ma génération a fait au dictateur", se réjouit-il.
Depuis le 6 avril, des milliers de Soudanais campent devant le QG de l'armée. A l'origine, ils réclamaient le départ d'Omar el-Béchir. Aujourd'hui, ils exigent la dissolution du Conseil militaire de transition qui lui a succédé et l'instauration d'un pouvoir civil.
Arrêté et détenu dans un lieu inconnu, le dictateur a été transféré le 17 avril dans une prison du nord de Khartoum, a indiqué l'un de ses proches. Le Conseil militaire de transition a annoncé le même jour l'arrestation de deux des cinq frères du président déchu, Abdallah et Abbas, des hommes d'affaires qui n'ont pas de fonction officielle.
"Révolution inachevée"
Sept jours après sa destitution, les manifestants maintiennent leur sit-in et leurs rangs grossissent devant le siège de l'armée. Ils réclament le départ des militaires du pouvoir. C'est le ministre de la Défense sous Omar el-Béchir, le général Awad Ibn Ouf, qui avait pris la direction du Conseil militaire. Mais il a démissionné 24 heures plus tard et a été remplacé par le général Abdel Fattah al-Burhane, un militaire peu connu.
"Nous voulons que le Conseil militaire soit dissout et remplacé par un conseil civil incluant des représentants de l'armée", assure Mohamed Naji, un responsable de l'Association des professionnels soudanais (SPA), un groupe en première ligne de la contestation.
"Il est de plus en plus clair que la révolution reste inachevée", a déclaré à l'AFP Alan Boswell, analyste au centre de réflexion International Crisis Group (ICG). "La clique sécuritaire toujours au pouvoir résiste clairement aux exigences qui l'obligeraient à céder le pouvoir", ajoute-t-il. Selon lui, les manifestants ont raison de dire que les membres du Conseil militaire appartiennent à l'élite dirigeante de l'ancien régime. "Si vous comptez Salah Ghosh, trois dirigeants se sont retirés en une semaine", poursuit l'analyste, évoquant tout de même un "changement". Salah Ghosh, le chef redouté du Service national de renseignement et de sécurité (NISS), a démissionné après la destitution d'Omar el-Béchir. Le NISS est accusé d'avoir mené une violente répression contre les manifestants qui a fait plus de 60 morts et des centaines de blessés. Des milliers de personnes ont été emprisonnées.
"Nous nageons en eaux troubles"
La réaction du Conseil militaire à la pression grandissante de la rue et de la communauté internationale pourrait être cruciale. "Nous ne sommes pas au bout du chemin", estime Alan Boswell. "Nous nageons en eaux troubles".
L'Union européenne et les Etats-Unis ont appelé les nouvelles autorités à inclure des civils au pouvoir. L'Union africaine a menacé le 15 avril de suspendre le Soudan de l'organisation continentale si l'armée ne quittait pas le pouvoir au profit d'une "autorité politique civile" d'ici une période de deux semaines. "Béchir est le symbole du régime, mais nous sommes toujours au milieu du chemin", estime Erij Salah, un manifestant de 23 ans. Et de conclure : "Nous devons nous battre pour en finir avec ce régime."
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