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Sommet Afrique-UE: «Il faut accepter que la migration soit un moyen de survie»

Karamba Diaby, né en 1961 à Marsassoum (Sénégal), est le premier député d’origine africaine au Bundestag, chambre basse du Parlement allemand. Elu en 2013 sous l’étiquette sociale-démocrate (SPD) en Saxe-Anhalt, berceau de l’extrême droite, il a été réélu en 2017. Géopolis l’a interviewé à deux jours du sommet Union africaine-UE, qui a lieu les 29 et 30 novembre à Abidjan (Côte-d’Ivoire).
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Karamba Diaby, député SPD de Saxe-Anhalt, le 8 août 2017. (AFP - HENDRIK SCHMIDT - DPA)

Comment voyez-vous le sommet UA-UE, qui devrait être axé sur la sécurité et l’immigration?
Le partenariat africano-européen ne peut pas uniquement se limiter aux thèmes du terrorisme et du retour d’Africains ramenés de force d’Europe en Afrique. Il faut que nous, les Européens, acceptions que la migration soit un moyen de survie pour nombre de personnes venues d’Afrique. Une situation liée à la politique agricole et économique de l’UE, notamment en raison du dumping des produits européens sur le continent africain.

Le fait de ne penser qu’à renvoyer en Libye des Africaines et des Africains a un parfum néo-colonial, surtout quand on constate que dans ce pays, des femmes et des hommes venus d’Afrique de l’Ouest sont transformés en esclaves.

On peut se réjouir qu’à côté du sommet UA-UE soit organisé le 5e sommet de la jeunesse d’Afrique et d’Europe. Il faut voir que les plus grands défis de l’Afrique subsaharienne touchent en particulier la partie la plus jeune de la population. N’oublions pas que 60% des citoyens africains ont moins de 25 ans.

Je pense que c’est d’abord dans le domaine de l’éducation que des progrès peuvent être faits. Notamment en renforçant la coopération scientifique entre l’Europe et l’Afrique. Et en permettant l’accès des étudiants africains à l’enseignement supérieur européen. 

Karamba Diaby, en campagne pour le scrutin de 2017, installe une affiche dans une rue de Halle dans le Land de Saxe-Anhalt (est de l'Allemagne) le 6 septembre 2017. (JOHN MACDOUGALL / AFP)

Pour revenir sur la politique allemande, les actuelles difficultés de la chancelière allemande Angela Merkel sont-elles liées à l’immigration?
Je ne pense pas que les difficultés de la chancelière soient uniquement liées aux flux migratoires. Elle est dans une position difficile car même si l’économie va bien, elle manque d’idées, de programme.

Pour autant, c’est vrai que l’immigration pose un certain nombre de problèmes. En dehors de son fameux «Wir schaffen das» («Nous y arriverons»), Mme Merkel n’a jamais donné d’explications en profondeur. C’est vrai qu’il y a eu une loi sur l’intégration. Mais on n’a pas expliqué comment gérer le phénomène avec des règles précises.

Dans ce contexte, l’extrême droite en a profité. Et cela a favorisé sa montée.

N’est-il pas particulièrement difficile d’être un député d’origine africaine dans une région rongée par l’extrême droite, où le parti AfD a réalisé un score de 24,2% lors du scrutin régional de mars 2016?
La montée de l’extrême droite n’est pas un phénomène spécifique allemand. Elle existe ailleurs en Europe et aux Etats-Unis, avec l’élection de Donald Trump. C’est vrai qu’il y a parfois des manifestations d’agressivité (Karamba Diaby a lui-même subi des injures racistes lors de la campagne des élections de septembre 2017 auxquelles il a répliqué en expliquant qu’il ne se laisserait pas «intimider», NDLR).

Le député Karamba Diaby discute avec un retraité à Landsberg (Saxe-Anhalt) le 8 août 2017. (HENDRIK SCHMIDT / DPA / AFP)

D’une manière générale, je trouve un grand soutien dans ma circonscription. Le quotidien est parfois difficile à gérer. Mais je suis régulièrement en contact avec la population. Les gens peuvent m’aborder pour me poser des questions. Je le répète, on ne peut pas se contenter de leur dire que l’économie va bien, que l’Allemagne est la quatrième puissance économique du monde. Il faut leur montrer que nous faisons de la politique pour tout le monde.

Je rencontre des citoyens qui me demandent comment ils peuvent vivre avec 600 euros de retraite par mois alors qu’ils ont travaillé pendant 40 ans. On leur dit qu’il n’y a plus d’argent dans les caisses. Mais eux voient qu’on va consacrer 23 milliards d’euros aux réfugiés. Il faut alors expliquer la situation. Expliquer la nécessité d’être solidaire.

Comment faites-vous de la politique dans un pays dont les clichés disent que c’est un pays «froid»?
La grande majorité de la population de ce pays est ouverte sur le monde. Il ne faut pas oublier que 23% des Allemands sont d’origine étrangère. Ce pays est vraiment influencé par l’immigration et il faut renforcer la présence de cette dernière au sein de la société.

Comment vous adressez-vous aux migrants et aux réfugiés que vous voyez?
Je travaille concrètement pour l’intégration des migrants, notamment dans des associations. Je fais passer ce message: quand on habite dans un pays, il faut le considérer comme le sien. Je leur conseille de s’engager, de prendre la nationalité allemande. Je rappelle que les sociaux-démocrates sont favorables à la double nationalité (alors que le parti d’Angela Merkel, la CDU, a décidé, fin 2016, de revenir sur cette disposition pour les enfants nés de parents étrangers en Allemagne, NDLR).


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