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Sénégal: condamné en appel, le maire de Dakar ne renonce pas à la présidentielle
Le maire de Dakar, Khalifa Sall, a été condamné en appel le 31 août 2018 à cinq ans de prison ferme notamment pour «escroquerie». Pour autant, ce rival du chef de l’Etat Macky Sall ne renonce pas à la présidentielle sénégalaise. Le même jour, un autre candidat, Karim Wade, condamné pour enrichissement personnel et exclu des listes électorales, a lui aussi vu sa peine confirmée par la Cour suprême.
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Khalifa Sall n’assistait pas à l’audience de la cour d’appel qui a condamné le premier magistrat de la capitale sénégalaise et trois de ses huit coaccusés à verser «solidairement» la somme de 1,8 milliard de francs CFA (environ 2,75 millions d'euros) à l'Etat du Sénégal. Maire depuis 2009, Khalifa Sall avait été condamné en première instance pour «escroquerie portant sur des fonds publics» et «faux en écriture» pour le détournement d'environ 2,5 millions d'euros prélevés entre 2011 et 2015 sur les caisses de la ville de Dakar.
Recours devant la Cour suprême
«Nous ne sommes pas surpris. J'ai cessé de croire depuis longtemps en cette justice. Khalifa Sall n'y croyait pas, raison pour laquelle il n'a pas comparu. La décision rendue n'est pas une décision de justice mais une décision politique», a déclaré à la presse l’un des avocats du maire de Dakar, Me Ciré Clédor Ly, présent à l'audience mais sans sa robe d'avocat.
Khalifa Sall a encore la possibilité d'introduire un recours devant la Cour suprême. A ce stade, il n'est donc «pas privé» de la course à la présidentielle de 2019. Khalifa Sall «peut toujours être candidat. Il conserve encore sa chance d'être candidat et d'être éligible. Il n'a pas encore perdu ses chances», a insisté devant la presse Me Ly. Et ce «tant qu'une condamnation définitive n'a pas été prononcée», a précisé une proche collaboratrice du maire de Dakar qui a requis l'anonymat.
«Eliminer des candidats à la présidentielle»
«Leur stratégie, c'est d'éliminer des candidats à la présidentielle», a de son côté indiqué Bamba Fall, un proche de Khalifa Sall et maire d'une commune de Dakar, qui était présent au tribunal. «C'est un combat politique, nous allons l'engager», a t-il assuré.
«Khalifa Sall n’a jamais caché ses intentions politiques – et c’est peut-être d’ailleurs son erreur», analyse dans Jeune Afrique un autre de ses avocats, le Français Alain Jakubowicz. Lequel dénonce une «instrumentalisation» de la justice. Selon lui, «le Premier président de la Cour d’appel s’était autodésigné pour mener ce procès». «Lorsque j’étais à Dakar, j’ai eu l’occasion d’observer le comportement du président de la Cour d’appel. Cela suintait à l’évidence les instructions venues du sommet», affirme-t-il.
Le maire de Dakar et sa défense avaient boycotté en juillet les derniers jours du procès en appel pour protester, selon eux, contre «la violation de leurs droits». La confirmation de la peine, attendue, constitue un sérieux revers pour cet homme politique populaire de 62 ans, considéré comme l'un des rares adversaires à pouvoir menacer dans les urnes le président sortant Macky Sall. Selon toute vraisemblance, ce dernier compte se représenter à la présidentielle du 24 février 2019.
Karim Wade et l’enrichissement
Quelque 80 prétendants ont manifesté leur intention de se présenter à ce scrutin. Mais aucun n'a le même niveau de notoriété ou de popularité que Khalifa Sall ou Karim Wade.
Ce dernier, fils et ministre de l'ex-président Abdoulaye Wade (de 2000 à 2012) et candidat déclaré pour le scrutin de 2019, ne pourra pas se présenter à la présidentielle après le rejet de son pourvoi devant la Cour suprême. Celle-ci s’est déclarée incompétente pour prendre une décision concernant le rejet, le 2 juillet par le ministère de l’Intérieur, de son inscription sur les listes électorales. Une inscription qui est un préalable indispensable à toute candidature. Le ministère avait invoqué des dispositions du Code électoral privant de droits civiques toute personne condamnée à plus de cinq ans de prison.
En 2015, il avait été condamné à six ans de prison ferme et à plus de 210 millions d'euros d'amende pour «enrichissement illicite» et à la confiscation de tous ses biens. Le verdict avait été confirmé en appel en août 2015. Mais il a bénéficié d'une grâce présidentielle en juin 2016 et vit depuis à l'étranger, principalement au Koweït.
Début juillet, ses avocats avaient qualifié sa radiation de «manifestement arbitraire, illégale et contraire à la loi électorale». Depuis l'accession au pouvoir de Macky Sall en 2012, l'Etat «s'attelle méthodiquement à violer» les droits de Karim Wade «dans l'unique but de l'empêcher d'être éligible à l'élection présidentielle», avaient-ils alors estimé. Les défenseurs ont fait valoir que la Cour de répression de l'enrichissement illicite, la juridiction spéciale qui l'a condamné, a expressément exclu dans sa décision la déchéance des droits civiques.
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