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Nigeria : le pouvoir traque désormais les autonomistes yorubas

L'assaut a été donné contre la résidence d'un des leaders séparatistes yorubas, Sunday Igboho. Ce dernier a échappé à la police, mais deux de ses gardes ont été abattus. 

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
"Nous réclamons un référendum afin de quitter le Nigeria en paix". L'autonomie de la région sud-ouest du Nigeria intéresse même la diaspora qui milite un peu partout dans le monde, comme ici à Dublin, le 12 juin 2021. (ARTUR WIDAK / NURPHOTO)

Il aura fallu près d'une heure de combat aux forces de sécurité pour investir la résidence de Sunday Igboho, un des leaders du mouvement séparatiste yoruba. L'homme n'a pas été capturé, on ignore même s’il était bien présent dans les lieux au beau milieu de la nuit en ce 1er juillet. En tout cas, deux de ses gardes ont été tués lors des échanges de tirs, et 13 personnes ont été arrêtées dont l'épouse d'Igboho.

La police a diffusé les photos de l'arsenal qui a été saisi. Sept AK-47 (Kalachnikov), des fusils à pompe, 5 000 cartouches, des talkies-walkies, et même de pseudo gilets pare-balles de fabrication artisanale. Un arsenal qui, pour les autorités, est la preuve que "Sunday Igboho et son groupe, sous couvert de campagne pour l'autodétermination, sont devenus bien armés et déterminés à saper l'ordre public".

Un mouvement stigmatisé

Pour Peter Afunanya, le porte-parole du service, toutes ces armes confirment "le grand plan d'Igboho et de ses cohortes de mener une insurrection violente contre l'Etat nigérian". Un discours de propagande qui contraste avec l'armement et le matériel saisis qui semblent anciens et d'efficacité douteuse.

Mais les autorités nigérianes ont dans le collimateur les divers mouvements qui militent pour la création d'une nation yoruba dans le sud-ouest du Nigeria. Du reste, une importante manifestation des militants, prévue samedi 3 juillet à Lagos, a été interdite par la police. Car selon celle-ci, des éléments extrémistes ont prévu de l'infiltrer pour "semer le chaos, attaquer et piller des propriétés".

Une manifestation que les mouvements entendent bien maintenir, à commencer par leur chef spirituel Stephen Adebanji Akintoye, un éminent historien, spécialiste de la question yoruba. Il a siégé durant quatre années au Sénat. Il n'a de cesse de réclamer un rééquilibrage du pays au profit des Yorubas, à ses yeux dénigrés et marginalisés par les autres ethnies nigérianes.

250 ethnies au Nigeria

Une fois encore, la question ethnique est au cœur du problème. Elle revient sans cesse dans l'organisation du pays, véritable mosaïque aux 250 ethnies. L'équilibre politique est toujours difficile à trouver. Entre le Nord musulman et le Sud à majorité chrétienne d'une part. Et d'autre part dans un Sud partagé lui-même entre les Yorubas à l'ouest du Niger et les Igbos à l'est.

"Afin d’apaiser les conflits entre musulmans du Nord et chrétiens du Sud, les politiciens nigérians ont appliqué (...) une règle non écrite reposant sur une alternance entre le Nord et le Sud à la tête de l’Etat fédéral", expliquait Jeune Afrique en 2014. Un système qui finalement ne règle pas grand chose. Ceux qui ne sont pas au pouvoir s'estimant lésés.

Dans un pays où la question sécuritaire est devenue un enjeu majeur, le pouvoir central d'Abuja montre ses muscles. Le président nigérian, Muhammadu Buhari, impuissant à juguler Boko Haram et les "bandits" dans le Nord, mais aussi les mouvements indépendantistes du delta du Niger, frappe le mouvement yoruba qui, pour l'heure, ne semble pas constituer une réelle menace.

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