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Maurice, championne de l’optimisation fiscale, ruine ses voisins d’Afrique

Les pays du continent se rebellent contre les conventions fiscales avec l'île Maurice, "un pipeline à évasion fiscale".

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 1 min
La capitale de l'île Maurice, Port-Louis vue depuis la citadelle du fort Adelaïde. (JACQUES SIERPINSKI / JACQUES SIERPINSKI)

L’affaire dite des Mauritius Leaks a permis de mieux mesurer l'étonnante structure économique de l’île Maurice, paradis... de l’optimisation fiscale. Le secteur financier est primordial, assurant la moitié du PIB du pays. En 2018, le pays a investi 4,2 milliards de roupies à l'étranger, soit plus de 100 millions d’euros. Jolie performance pour un pays de 1,2 million d’habitants. Un chiffre pourtant en baisse par rapport à 2013-2014, où il atteignait les 6 milliards de roupies.

"L'île, qui se vend comme une passerelle pour les entreprises vers le monde en développement, a deux principaux arguments de vente : des taux d'imposition ridiculement bas et surtout, une batterie de 'conventions fiscales' avec 46 pays pour la plupart pauvres", est-il écrit par les responsables de l’enquête.

Un désastre pour les pays partenaires

Dans sa stratégie, Maurice a d’abord instauré un impôt sur les sociétés de 15% des revenus qui, grâce à des crédits d’impôt, descend en fait à 3%. S’en est suivie la signature de conventions fiscales avec des pays du monde entier : 43, dont 15 en Afrique subsaharienne.

En échange d’un investissement dans un pays, Maurice réclame la signature d’une convention fiscale. Un piège pour les signataires car les entreprises locales vont pouvoir se délocaliser et s’installer sur l’île. Magueye Boye, principal négociateur des traités du Sénégal, résume le système en quelques mots :"Un énorme pipeline d’évasion fiscale".

Des millions de dollars d'évasion fiscale

Mais au final, les pays signataires ont découvert qu’ils perdaient des millions de recettes fiscales. Pour le Sénégal, la perte serait de 257 millions de dollars sur 17 ans, avance La Tribune Afrique.

Plusieurs pays africains se rebellent contre les accords fiscaux signés avec l’île Maurice. L’Afrique du Sud, puis le Rwanda, ont été les premiers à renégocier les conventions fiscales qui les lient à Maurice. Depuis, le Kenya ou le Sénégal ont suivi le mouvement.

Renégocier n’est pas facile, et clairement l'île joue la pendule. Ainsi, il a fallu 20 cycles de négociations sur 20 ans à l'Inde pour inciter Maurice en 2016 à supprimer les dispositions abusives du traité de 1982. Mais le mouvement est en marche, et Maurice devra sûrement revoir son modèle économique.

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