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Maroc: des satellites espions qui fâchent l’Algérie et l'Espagne
Le Maroc a mis en orbite, ce 8 novembre 2017 de Kourou (Guyane française), un satellite espion. Le royaume a ainsi rejoint l’Egypte et l’Afrique du Sud dans le club très fermé des pays du continent africain à disposer de tels outils de reconnaissance militaire. Mais la mise en service de l'engin irrite l'Algérie et l'Espagne, voisins du royaume chérifien. Explications.
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Rabat comptait déjà deux satellites en orbite. Dont l’un utilisé pour les télécommunications et la prévision météo, lancé en 2001 depuis la base de lancement de Baïkonour (Kazakhstan).
Mais cette fois, le royaume chérifien a franchi un pas supplémentaire. Le 8 novembre, une fusée européenne Vega d’Arianespace a lancé un premier satellite de reconnaissance militaire, construit par le français Thales Alenia Space, en collaboration avec Airbus Defence and Space. Un second engin devrait être mis en orbite en 2018.
Montant du contrat : 500 millions de dollars (ou 500 millions d’euros, selon les sources), «probablement financé (…) par les Emirats Arabes Unis», révèle le site marocain le360.ma. Un contrat discrètement signé en marge de la visite de l’ancien président français François Hollande à Rabat en avril 2013, rapporte le quotidien espagnol El País.
Ces deux satellites espions sont des bijoux technologiques. Placés en orbite à 695 km de la Terre, ils sont capables de surveiller une zone de 800 km de large… à 70 cm près. Et sont susceptibles de prendre chaque jour 500 images de haute résolution. Ils doivent être commandés depuis une base aérienne au nord de Rabat, à qui ces images seront envoyées toutes les six heures.
Ils doivent permettre de surveiller les frontières du pays, les migrants clandestins et les contrebandiers. Ainsi que les groupes djihadistes opérant au Sahel et les pirates sévissant dans le golfe de Guinée.
Contentieux frontaliers
Mais les deux engins pourront aussi être tournés pour surveiller les insurgés du Front Polisario au Sahara, les troupes et les installations militaires de l’Algérie. Cela ne fait pas les affaires de ce pays qui, jusqu'à présent, bénéficiait d'«un avantage numérique sur le terrain». Mais cette nouvelle donne inquiète également les responsables militaires à Madrid.
Motif : les deux pays ont des contentieux frontaliers. L’Espagne est le dernier Etat européen à posséder des territoires en Afrique, en l’occurrence les enclaves de Ceuta et Melilla et quelques autres micro-îles au large des côtes marocaines. Cette situation irrite le Maroc qui parle de territoires
«occupés». A tel point qu’en juillet 2002, Rabat avait envoyé des soldats sur le rocher inoccupé d’El Perejil (le Persil, en français), situé à 6 km à l’ouest de Ceuta et à 200 m de la côte marocaine. Madrid avait répliqué en dépêchant ses unités spéciales pour réoccuper l’îlot. Les Etats-Unis avaient dû intervenir pour calmer le jeu.
Jusque-là, l’Espagne s’appuyait notamment sur le réseau de satellites européen Helios, géré de fait par les Français, dont elle peut utiliser… 2,5% des capacités d’images pour empêcher les Marocains de venir s’intéresser aux confettis de son empire colonial. Une dépendance préoccupante: lors de la crise d’El Perejil, Madrid avait demandé à la France, son alliée au sein de l’OTAN, de lui fournir des images satellitaires. Paris avait alors refusé en invoquant des «problèmes techniques», prenant ainsi le parti de Rabat, raconte El País.
Dans ce contexte, avec ses nouveaux satellites dont il sera propriétaire, le Maroc va prendre sur son voisin septentrional un avantage technologique et stratégique certain.
Depuis 2002, les relations se sont réchauffées. «Le Maroc est un pays ami, avec qui nous avons une coopération très intense et fructueuse, essentielle pour freiner l’immigration clandestine et prévenir les attentats terroristes. Mais il n’est pas très agréable que quelqu’un, même si c’est un grand ami, puisse venir fouiller dans votre cuisine», explique, de manière imagée, un officier espagnol cité par El País. «Notre dissuasion s’est toujours appuyée sur l’avantage technologique. Si cet avantage disparaît, l’effet dissuasif risque de s’émousser», ajoute l’officier. Madrid a donc lancé son propre programme de satellites espions. Mais celui-ci ne sera pas opérationnel avant plusieurs années.
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