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Mali : " Le statu quo risque de durer longtemps face à un ennemi invisible et cruel"

Comment rétablir la sécurité dans un pays secoué par les violences jihadistes et intercommunautaires, alors qu’une partie du territoire échappe totalement à l’autorité du pouvoir central depuis bientôt sept ans.

Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Opération militaire française Barkhane à Kidal en août 2018, une zone sous occupation rebelle depuis sept ans dans le nord du Mali. (FRED MARIE / HANS LUCAS)

Au-delà de l’émotion suscitée en Afrique et en France par la mort de 13 soldats français de l’opération Barkhane, tués au Mali, nombreux sont ceux qui se demandent si le temps n’est pas venu de négocier avec tous les groupes armés. Le ministre malien des Affaires étrangères, Tiébilé Dramé, est de ceux qui estiment que la stratégie militaire a montré ses limites. Depuis 2016, l’ancien opposant malien constate que l’armée de son pays s’est effondrée. Elle a besoin de répit pour se reconstruire, plaide-t-il. Même son collègue de la défense, Ibrahima Dahirou Dembélé, ne s’en cache pas face à ses compatriotes députés qui s’inquiètent de l’état de santé de l’institution.

Vous avez raison d'avoir peur. Moi-même, j'ai peur quand je vois mon armée

I. Dahirou Dembélé, ministre malien de la défense

à l'AFP

Même les voisins du Mali, eux-mêmes confrontés au péril jihadiste s’interrogent. C’est le cas du président nigérien Mahamadou Issoufou qui s’inquiète du statut de Kidal, région sous contrôle rebelle qu’il présente comme "une menace pour la stabilité du Sahel". Le président Issoufou se plaint que des groupes armés maliens signataires de l’accord d’Alger de 2015 aient une position ambiguë vis-à-vis des jihadistes, faisant peser le soupçon d’alliances locales et opportunistes entre séparatistes touareg et jihadistes.

Négocier avec qui et avec quel ordre du jour ?

Malgré la présence de bases françaises et des forces onusiennes, Kidal fait toujours partie de ces vastes zones du Mali qui échappent de facto à l’autorité de l’Etat malien. Cette grande région du nord du pays reste sous le contrôle d’ex-rebelles séparatistes touareg qui se sont soulevés contre le pouvoir central en 2012, avant de signer un accord de paix à Alger. Accord qui n’a jamais été appliqué.

Bon connaisseur de la région, l’ancien diplomate mauritanien, Ahmedou Ould-Abdallah, constate que le Sahel fait face aujourd’hui à un ennemi invisible et cruel qui se radicalise. Il reste très sceptique quant à l’éventualité de négociations avec les groupes armés qui se sont multipliés.

Le problème est de savoir avec qui négocier, comment, quand, où et avec quel ordre du jour

Ahmedou Ould-Abdallah, ancien chef de la diplomatie mauritanienne

à franceinfo Afrique

Et dès qu’on parle du Mali, le problème devient complexe, observe-t-il. "Le cas du Mali est plus compliqué que dans les autres pays de la région. Il y a d’un côté une revendication identitaire dans les régions du nord à dominante touarègue, et de l’autre, des groupes jihadistes. L’aspect irrédentiste devient difficile à gérer dans le nord, quand on y ajoute l’aspect religieux dans une région où se sont installés des groupes jihadistes venus d’ailleurs", explique-t-il à franceinfo Afrique

"Ils sont considérés comme des traîtres"

Ahmedou Ould-Abdallah rappelle que le président malien, Ibrahim Boubacar Keita, est opposé à une quelconque négociation avec ceux qui ont choisi de verser le sang de ses compatriotes. "Ceux qui parlent de négociations au Mali sont souvent considérés comme des traîtres ou des faiblards", constate-t-il.

Dans ses mémoires, Plutôt mourir que faillir, publiées aux éditions Descartes et Compagnies, Ahmedou Ould-Abdallah explique que l’enjeu du problème dépasse largement le cadre du Mali. Il estime que si négociations il y a, il faudra que tous les pays du G5-Sahel y prennent part. Parce qu’il faut un consensus de tous les Etats, à savoir le Mali, le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Et probablement celui d’autres pays voisins.

"Ce qui complique la donne dans le Sahel, c’est qu’aucune partie n’a encore senti et exprimé le besoin de négocier. Je pense que les pays les plus exposés à la menace, le Burkina, le Mali et le Niger, comme les autres pays du bassin du Lac Tchad, ne sont pas prêts à s’engager dans un tel processus. Pour le moment, je vois difficilement l’amorce d’une négociation. Les conditions ne semblent pas du tout remplies, ni sur le plan politique, ni sur le plan militaire", explique-t-il à franceinfo Afrique.

Dans le camp des groupes jihadistes, le problème se pose exactement de la même façon. Ces mouvements disparates ne disposent d’aucune coordination pour piloter un tel processus, observe Ahmedou Ould-Abdallah. Faute d’un accord entre les différents groupes armés, le statut quo pourrait durer encore longtemps, au Mali comme dans l’ensemble du Sahel, conclut-il.

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