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Libye: les défis qui attendent Fayez al-Saraj et Khalifa Haftar

Les deux chefs rivaux de Libye, réunis à l'initiative du président Emmanuel Macron à la Celle-Saint-Cloud (Yvelines), ont adopté le 25 juillet 2017 une déclaration commune. Ils s'engagent à respecter un cessez-le-feu et à œuvrer pour la tenue d'élections «dès que possible» dans un pays plongé dans le chaos six ans après la chute de Mouammar Kadhafi. Pour autant, les défis à relever sont immenses.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
De gauche à droite: le Premier ministre libyen Fayez al-Sarraj, le président français Emmanuel Macron, le général Khalifa Hafta au château de la Celle-Saint-Cloud, le 25 juillet 2017. (AFP - POOL - PHILIPPE WOJAZER)

Le Premier ministre du gouvernement d'union nationale (GNA) reconnu par l'ONU et les Occidentaux, Fayez al-Seraj, et le chef militaire Khalifa Haftar, homme fort de l'Est-libyen, ont été reçus l'un après l'autre par le chef de l'Etat français. Les deux hommes se sont par la suite retrouvés pendant une heure et demie autour de la même table en présence d'Emmanuel Macron et de l'émissaire spécial de l'ONU, Ghassan Salamé. Lequel doit prendre officiellement ses fonctions le 27 juillet.

«Je crois qu'aujourd'hui la cause de la paix en Libye a fait un grand progrès», a estimé Emmanuel Macron à l'issue de la rencontre, aux côtés des deux principaux protagonistes libyens.

Face à l’ampleur de la tâche, reste à savoir si l’initiative française peut réussir…

Premier pari: créer un Etat central fonctionnel
Depuis le renversement du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est un pays profondément divisé. Dans ce contexte, les rivalités régionales et tribales sont profondes et diverses autorités et milices se disputent le pouvoir, s'opposant parfois dans des combats meurtriers.

Un gouvernement d'union nationale (GNA) est installé à Tripoli depuis mars 2016 avec Fayez al-Sarraj à sa tête. Soutenu par l’ONU, il peine toutefois à asseoir son autorité dans tout le pays et ne contrôle que quelques régions dans l'Ouest.
Combats à Sabha (sud de la Libye) le 18 janvier 2014 (REUTERS - Saddam Alrashd)

A l'Est, dans la Cyrénaïque, une autorité rivale règne sur de vastes pans de territoire. Le maréchal Khalifa Haftar, autoproclamé chef d'une force baptisée Armée nationale libyenne (ANL), en est l'homme fort.

Le sud du pays se sent, lui, le grand oublié des autorités, qu'elles soient de l'Est ou de l'Ouest. Un des défis majeurs pour mettre fin aux violences et à l'insécurité serait la mise en place d'institutions étatiques (gouvernement, armée, police) capables d'exercer leur autorité sur l'ensemble du pays.

Deuxième pari: unifier les forces rivales
Des centaines de milices aux allégeances mouvantes se disputent le pouvoir en Libye. Certaines sont liées aux autorités politiques rivales, d'autres se sont formées autour d'activités purement criminelles. Depuis 2011, aucune autorité libyenne n'a réussi à encadrer ces milices ou à intégrer leurs combattants dans une force nationale.

Les forces menées par Khalifa Haftar, soutenues par l'Egypte, les Emirats arabes unis et la Russie, ont engrangé récemment un important succès contre les djihadistes dans la ville de Benghazi (Est). Mais, les puissantes milices de Misrata, ville située à 200 kilomètres à l'est de Tripoli, se sont, elles, alliées au GNA. Ce qui leur a permis notamment de chasser les djihadistes du groupe Etat islamique de la ville côtière de Syrte.

La constitution d'une armée unifiée demeure un des défis les plus importants. Et ce notamment depuis que la Libye est devenue une plaque tournante de la contrebande d'armes. Mais surtout du trafic de migrants qui tentent, depuis ses côtes, la périlleuse traversée de la Méditerranée pour rejoindre l'Europe, notamment par l’Italie.

Troisième pari: relancer l'économie
La Libye dispose des plus grandes réserves pétrolières d'Afrique, mais les multiples conflits qui ravagent le pays ont empêché la pleine exploitation de ces ressources. La fermeture de la majorité des champs et terminaux pétroliers depuis 2014 a coûté plus de 130 milliards de dollars (111 milliards d'euros) à la Libye.

Installation pétrolière à al-Buraqah (nord de la Libye) le 12 janvier 2017 (AFP - ABDULLAH DOMA)

Depuis la réouverture du port de Ras Lanouf en septembre 2016, les exportations de brut ont pu reprendre et la production a dépassé la barre des 760.000 barils par jour, a annoncé en mai la compagnie nationale pétrolière NOC. Mais les autorités rivales se disputent également cette ressource cruciale et l'économie libyenne continue de rester moribonde. Le Produit intérieur brut libyen a diminué de 2,5% en 2016. Selon la Banque Mondiale, le PIB ne constituait plus que la moitié de sa valeur d'avant la révolution de 2011. Le chômage élevé (19,22% en 2015), notamment parmi les jeunes, constitue une source d'inquiétude, relève l'institution.

Quatrième pari: améliorer la vie quotidienne des Libyens
La vie quotidienne des Libyens est devenue une épreuve avec des pénuries d'électricité, de carburant et d'eau quotidiennes, une crise des liquidités, une dévaluation sans précédent de la monnaie nationale. Dans le même temps, l’insécurité est très importante.

Les femmes ne sortent plus le soir, même accompagnées. Les car-jackings deviennent très courants dans les quartiers résidentiels, même en plein jour. Les bijoutiers, même armés, ont vidé leurs vitrines de peur de se faire cambrioler. Les sabotages d'installations électriques, les vols de câbles, la destruction des infrastructures et les menaces proférées contre les techniciens se sont multipliés.

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