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Covid-19 : la classe politique africaine déjà très touchée par le virus

En Afrique, l’épidémie commence par les capitales et par le personnel politique, particulièrement touché. Cela risque de désorganiser les réponses sanitaire et économique.

Article rédigé par franceinfo Afrique avec AFP
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A l'aéroport de Khartoum, le ministre soudanais de la Santé Akram el-Tom (à gauche de la photo) réceptionne du matériel médical en provenance de Chine, le 23 mars 2020. (Mahmoud Hjaj / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP)

Le président de la Commission de l'Union africaine, un chef d'Etat (Botswana) et un Premier ministre (Côte d'Ivoire) en quarantaine, de nombreux ministres infectés et déjà plusieurs décès dont la vice-présidente de l'Assemblée (Burkina) et deux conseillers du président Tshisekedi en RDC. Les politiques sont particulièrement touchés par le coronavirus en Afrique, où l'expansion de la pandémie ne fait que commencer. On compte à ce jour au moins 2 300 cas et 73 décès.

"On ne peut plus arrêter la pandémie de coronavirus, il est partout maintenant. Mais on peut encore la ralentir et gagner du temps pour se préparer", explique Isabelle Defourny, directrice des opérations chez Médecins sans Frontières (MSF). "Un des scénarios probables est une contamination par les capitales et les grandes villes, avant une propagation dans les villes secondaires, puis les campagnes."

L’épidémie semble en effet commencer par les centres de décision, et notamment les personnes les plus mobiles, c'est-à-dire le personnel politique.

Au Burkina

Le conseil des ministres s'est fait par visioconférence pour éviter toute infection du chef de l'Etat Roch Marc Christian Kaboré. Une précaution prise après la mort de la deuxième vice-présidente de l'Assemblée, Rose-Marie Compaoré, et alors que pas moins de sept ministres sont touchés, notamment celui des Affaires étrangères, Alpha Barry.

Ce dernier s'était moqué, le 18 mars, des rumeurs sur sa contamination : "Allô Maman !!!! Les appels viennent de partout... Je n'arrive pas à tout décrocher." Mais deux jours plus tard, il indiquait : "La rumeur est devenue réalité... je viens d'être notifié positif.Les internautes l'ont raillé à leur tour, créant le hashtag #allomaman. "Allô maman, je suis obligé de me faire soigner à Ouagadougou comme le bas peuple. Je ne peux pas aller en Europe. Et si on équipait convenablement maintenant nos hôpitaux ?", a lancé l'un d'entre eux.

"Les ravages (du virus) ne connaissent pas le genre, ni la classe sociale", souligne l'opposant Ablassé Ouedraogo. "Personne n'est épargné par ce virus qui infecte les chefs d'Etat, les ministres et les parlementaires (...), y compris le citoyen ordinaire (...). Le bon exemple commence par le sommet et le coronavirus n'est point une maladie de la honte. Les Burkinabè devraient disposer de l'information sur la santé de leurs gouvernants", ajoute-t-il.

"On dit que c'est la maladie des élites mondialisées. Ce sont les personnes qui voyagent ou qui sont en contact avec ces personnes qui sont les plus touchées. En tout cas, au début. Donc, en Afrique, c'est le cas des politiques", souligne le politologue ivoirien Jean Alabro.

En Côte d'Ivoire

Le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, candidat du parti au pouvoir à la présidentielle d'octobre, s'est placé lui-même en confinement "après avoir été en contact avec une personne déclarée positive", a-t-il annoncé sur Twitter. Selon une source proche du pouvoir, une dizaine de "hautes personnalités" sont en confinement. Les autorités ont fait preuve de légèreté, estime Jean Alabro en relevant que le Conseil national de sécurité sur le coronavirus avait réuni... 43 personnes.

Au Nigeria

La classe politique à Abuja, la capitale fédérale, "est en panique depuis que le directeur de cabinet (du président) a été testé positif", selon une source proche de la présidence. De nombreux hommes politiques nigérians de haut rang, dont plusieurs gouverneurs et le vice-président, ont déclaré s'être mis en quarantaine après avoir été en contact avec deux cas positifs, dont le bras droit du président Muhammadu Buhari, Abba Kyari. Le président lui-même serait en quarantaine et sous surveillance médicale, d'après les médias africains Benin web TV et La Nouvelle Tribune.

En République démocratique du Congo 

Plusieurs médias ont rapporté que la ministre de l'Economie Acacia Bandubola était touchée. Son frère et directeur de cabinet adjoint, Dédié Bandubola, fait partie des premiers morts. Le ministre des Affaires foncières Molendo Sakombi lui a rendu un hommage sur le compte Twitter du ministère : "La mort du docteur Dédié Bandubola démontre à suffisance l'ampleur du danger qui nous guette tous."

Autre personne morte du Covid-19, Jean-Joseph Mukendi wa Mulumba, un avocat respecté et activiste des droits de l'Homme. Il était le chef par intérim du conseil consultatif juridique du président Tshisekedi. Il a été un proche collaborateur du défunt chef de l'opposition Etienne Tshisekedi, le père de l'actuel président.

Si la classe politique est décapitée par la pandémie, c’est la capacité à prendre les bonnes décisions qui est en mise cause. Il faut que les politiques puissent déléguer leur pouvoir, le temps de se rétablir, car la tempête ne fait que commencer et nécessite de bons capitaines à la barre.

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