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Covid-19 : quelles leçons pour l'Afrique d'après-pandémie?

Repenser le modèle économique, cesser d'être "un réservoir de croissance" pour les autres... les appels se multiplient pour que l'Afrique de l'après-Covid-19 se réinvente.

Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un travailleur porte un masque dans un magasin de tissus à Cape Town en Afrique du Sud, le 15 mai 2020. (MIKE HUTCHINGS / X00388)

Toutes les idées sont les bienvenues, pourvu qu'elles aident l'Afrique à prendre un nouveau départ après cette crise sanitaire qui a fait craindre le pire. Des appels à un sursaut continental se sont multipliés ces dernières semaines. Ils émanent de nombreuses personnalités africaines : des scientifiques, des économistes, des politiques, mais aussi des artistes. Ils espèrent que les leçons de cette crise permettront de bâtir les fondations d'une Afrique nouvelle.

"Rien ne sera plus comme avant"

Au-delà de la sensibilisation en cours pour contenir la propagation de la pandémie, le temps est venu de "penser à l'après-virus", explique le chanteur sénégalais Youssou N'dour à l'AFP. Il est le parrain d'un projet organisé pour la Journée mondiale de l'Afrique le 25 mai 2020. L'initiative mobilisera sur les réseaux sociaux une centaine d'artistes et de personnalités du continent. L'événement sera ponctué d'un concert en ligne de deux heures qui verra défiler les plus grands noms de la musique africaine.

Dans beaucoup de domaines, rien ne sera plus comme avant. Je fais confiance au génie des créateurs culturels pour prendre part à ce nouveau départ de l'après-coronavirus. A cette Afrique nouvelle

Youssou N'dour, chanteur sénégalais, parrain du projet WAN

Plusieurs intellectuels africains et de la diaspora avaient donné le ton fin avril dans une lettre adressée aux dirigeants du continent. Un message collectif en pleine crise du coronavirus pour les rappeler à l'ordre. Pourriez-vous, juste un moment, oublier le pouvoir, cesser de penser aux élections, pour penser au peuple ?, leur avaient lancé les signataires de la lettre. "Et si cet événement était le moment de vous poser, pour enfin réflechir si vous n'avez pas trahi votre propre peuple, trahi votre propre humanité", suggerait le prix Nobel nigérian de littérature Wolé Soyinka, signataire de la lettre.

"Sortir de la politique de la main tendue"

Cette crise a révélé le manque criant d'infrastructures adéquates, notamment dans le secteur hospitalier et suscité les plus grandes inquiétudes. Elle a révélé la triste réalité d'un continent où des millions de familles vivent dans la précarité, sans pouvoir compter sur qui que ce soit, constatent plusieurs analystes. Il faut en tirer des leçons une fois pour toutes, plaide l'économiste sénégalais Felwine Sarr.

Il faut sortir de la politique de la compassion et de la main tendue. C'est absolument important

Felwine Sarr, économiste sénégalais

à RFI

Pour lui, cette crise sanitaire est une occasion en or pour les Africains de ne plus se laisser traverser par l'Histoire, mais d'être des sujets de l'Histoire. "Nous exportons des matières premières dont la valeur ajoutée est transférée aux pays du Nord, explique-t-il. Nous pouvons mettre en place des unités de production locales et transformer nos ressources naturelles. La technologie n'est pas compliquée. Le temps est venu de diversifier nos économies et de les rendre autonomes", plaide-t-il.

"Un réservoir de croissance pour les autres"

De nombreux intellectuels et spécialistes du continent ont déploré le grand décallage révélé par le Covid-19 entre "une Afrique en mouvement, célébrée de par le monde" depuis près de dix ans, et celle que certains feignent de ne pas voir. A quoi cela sert-il d'afficher des taux de croissance annuelle de 7 à 8% quand l'immense majorité de la population ne bénéficie pas de ses effets ?, s'indigne l'ancienne ministre malienne de la Culture, Aminata Dramane Traoré. Elle appelle à repenser le modèle économique des pays africains.

"Nous sommes censés être un réservoir de croissance pour les autres et nous attendons des autres qu'ils viennent avec leurs capitaux pour nous développer en fonction de leurs intérêts. Il n'y a pas de croissance économique digne de ce nom quand l'immense majorité de la population croupit dans la misère", martèle Aminata Dramane Traoré sur l'antenne de RFI.

Ils sont nombreux à encourager les décideurs africains à privilégier des solutions endogènes aux problèmes de développement dans le monde de l'après-Covid-19. Le continent a suffisament de ressources et de compétences pour s'en sortir, sans recourir constamment à l'aide extérieure et à "des modèles de coopération obsolètes", en évitant de porter les choix sur des projets non-essentiels, affirment-ils.

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