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Côte d'Ivoire: le retour des vieux démons?
En Côte d'Ivoire, mutineries, évasions de prisonniers, attaques de postes de police et gendarmeries se multiplient depuis le début de 2017. Les observateurs s’interrogent: a-t-on affaire à une instabilité croissante à l'approche de la présidentielle de 2020 ou assiste-t-on au dernier soubresaut des crises passées? Dans le même temps, le pays est plongé dans une grave crise économique.
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«Les récentes attaques (...) ne troublent pas notre sommeil. Nous travaillons à cela pour la sécurité des Ivoiriens», a assuré, le 10 septembre 2017, le président Alassane Ouattara au congrès de son parti, le Rassemblement des républicains (RDR). Le discours se veut rassurant et combatif. Mais la liste des incidents est longue.
Le 19 juillet, des hommes armés ont pris d'assaut l'école de police d'Abidjan dans le quartier huppé de Cocody. Ils se sont emparés d'armes avant d’échanger des coups de feu avec les forces de l'ordre pendant leur fuite. Une personne a été tuée. Au moins quatre autres attaques, moins importantes et qui n’ont pas fait de blessés, ont eu lieu par la suite: Azaguié (40 km au nord d’Abidjan) le 22 juillet, Fresco (sud-ouest) le 29 juillet, Adzopé (sud) le 4 août, et Songon (sud) le 3 septembre.
Trois évasions, dont deux spectaculaires, ont été signalées. Notamment l’une, le 3 septembre au pénitencier de Katiola, ce qui a permis à une centaine de détenus de prendre la clef des champs.
«Coupeurs de routes» et «microbes»
Dans le même temps, les populations du nord se plaignent de la recrudescence des braquages de «coupeurs de route». Alors qu’on assiste à une résurgence des «microbes» (délinquants mineurs) dans la périphérie d'Abidjan, avec la mort d'un policier et des échauffourées à Yopougon, quartier historiquement favorable à l'ancien président Laurent Gbagbo.
Cette série noire survient après la cascade de mutineries d'anciens rebelles, intégrés dans l'armée après avoir contribué à porter Alassane Ouattara au pouvoir en 2011. Mutineries qui ont ébranlé le pays en janvier et en mai, notamment dans les deux principales villes, Abidjan et Bouaké (centre).
Le porte-parole du gouvernement, Bruno Koné, assure que la situation est «sous contrôle». Pour lui, ces différents incidents sont les «derniers soubresauts» de la crise qui avait fait 3000 morts entre 2010 et 2011 après le refus du camp Gbagbo de reconnaître sa défaite dans les urnes. «On retombe dans la situation d'après crise, mais autant on pouvait admettre les problèmes en 2012 ou 2013, avec les armes qui ont circulé, autant en 2017 il n'y a plus d'excuse», estime une source proche de l'armée.
Tentative de «déstabilisation»
Pour le pouvoir, il s’agit d’une tentative de «déstabilisation» du pays, alors que la succession d'Alassane Ouattara en 2020 occupe de nombreux esprits. Le ministre de l'Intérieur, Sidiki Diakité, a désigné comme responsables d’anciens proches en exil de Gbagbo. Alors que le président Ouattara affirmait avoir des «preuves concrètes».
D’autres hauts responsables y voient «la patte» de Guillaume Soro, président de l'Assemblée nationale. Cet ancien chef de la rébellion fait officiellement partie de la majorité présidentielle. Mais ses ambitions alimentent toutes les rumeurs.
Les accusations des proches de Ouattara sont formellement démenties dans le camp Gbagbo. Quant à Soro, l’un de ses partisans assure: «Dès qu'il se passe quelque chose, c'est Soro par ci, Soro par là. N'importe quoi !»
«Sous couvert de réconciliation et dialogue politique (...), nous avons libéré des gens et ils n'ont pas trouvé mieux à faire que de s'attaquer à nos forces de l'ordre», a fustigé le président Ouattara. Et d'agiter le spectre des putschs, réussis ou non, qui ont par le passé plongé le pays au bord du gouffre. Le chef de l’Etat n’hésite pas à en appeler aux pays alliés, Nigeria, Ghana ou Sénégal: «S'il y a un coup d'Etat quelque part, nous n'hésiterons pas à intervenir ensemble car l'Afrique doit sortir des coups de force, des coups d'Etat et de la violence politique».
Mais, pour une source proche des forces de sécurité, citées par l’AFP, «on a surtout l'impression qu'on tente de cacher les carences des services de sécurité et leur difficile réforme annoncée depuis des lustres en brandissant l'échec de la réconciliation nationale. Le problème, c'est surtout cette réforme indispensable qui n'avance pas». Des turbulences qui pourraient prendre de l'ampleur à mesure qu'approche la présidentielle, selon une source occidentale.
Si la crise est politique, elle est aussi économique. La Côte d'Ivoire est touchée de plein fouet par la chute des prix du cacao. Un produit dont elle est le premier exportateur mondial et qui représente 15% de son PIB. «Le choc affecte ceux qui en dépendent directement ou indirectement, soit près du quart de la population», rapporte France 24. Résultat: le gouvernement a baissé les dépenses publiques de 10%.
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