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Côte d'Ivoire : "2020, l'année électorale de tous les dangers"

La Côte d’Ivoire s’achemine-t-elle vers une nouvelle crise meurtrière à quelques mois de la présidentielle ? L’inquiétude est perceptible à Abidjan, mais aussi en Afrique de l’Ouest, comme l’explique Alioune Tine à franceinfo Afrique.

Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Alassane Ouattara accueilli par ses partisans le 26 janvier 2019, dans un stade d'Abidjan. Il n'exclut pas de briguer un troisième mandat à la tête du pays. (THIERRY GOUEGNON / X01735)

Alioune Tine est un bon connaisseur de la Côte d’Ivoire. Ancien directeur du bureau Afrique de l’Ouest d’Amnesty international, il a suivi la terrible crise post-électorale ivoirienne de 2010-2011 qui a fait 3 000 morts. Il s’inquiète aujourd’hui de percevoir les mêmes signes et les mêmes symptômes qui ont précipité il y a dix ans ce pays dans une folie meurtrière.

"L’histoire ivoirienne est un perpétuel recommencement. Et j’ai comme l’impression que personne n’en tire les leçons, surtout Alassane Ouattara qui a souffert, qui a été exilé. On pensait qu’après ce qui s’est passé avec Gbagbo, il serait l’homme du rassemblement, de la réconciliation et de l’unité", explique-t-il.

Alassane Ouattara "n’a fait que manœuvrer pendant ses deux mandats"

Alioune Tine reconnaît que le président Ouattara a beaucoup construit depuis son arrivée au pouvoir. Mais il regrette qu’il n’ait pas fait grand chose pour consolider la démocratie et la réconciliation. Il décrit à franceinfo Afrique un homme prêt à tout pour neutraliser ses adversaires politiques. Il n’a fait que manœuvrer pendant ses deux mandats, déplore-t-il.

La question fondamentale tourne autour du pouvoir et comment le conserver. Une fois qu'on est au pouvoir en Côte d'Ivoire, on perd la tête. C'est incroyable

Alioune Tine, Fondateur du Think Tank Afrikajom Center

à franceinfo Afrique

Alioune Tine est un défenseur de longue date des droits de l'homme en Afrique. C'est le fondateur du Think Tank Afrikajom Center basé à Dakar qui réflechit sur les questions de démocratie sur le continent. (ANDREW HEAVENS / X01805)

Alioune Tine en donne pour preuve les poursuites que le pouvoir ivoirien vient d'engager contre l’ancien président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro. Candidat à la présidentielle de 2020, l'ex-chef rebelle au service d’Alassane Ouattara est désormais accusé de comploter contre son ancien allié en vue de s’emparer du pouvoir. "Toute cette cabale vise à m’écarter de l’élection présidentielle dont je suis le favori", affirme Guillaume Soro qui s’est exilé en France. Il parle d’ironie de l’histoire et d’une guerre d’égo aux conséquences incalculables.

Ce dernier "sait très bien de quoi il parle. Parce que tous ceux qui ont exercé le pouvoir en Côte d'Ivoire ont l’égo surdimensionné. Que ce soit Bédié, que ce soit Ouattara. C’est en fait une culture en Afrique de l’Ouest. On a en fait des présidences de droit divin. Ce sont des dieux vivants. Ils pensent qu’ils sont éternels", explique Alioune Tine à franceinfo Afrique.

"Un pays pris en otage par sa vieille classe politique"

Pour Alioune Tine, la Côte d’Ivoire a été prise en otage par sa vieille classe politique et ses principaux chefs, qui se sont succédé à la tête du pays. Ils n’ont aucune intention de donner une chance à la nouvelle génération fatiguée par les promesses "d’une réconciliation en trompe-l’œil", dénonce-t-il.

Ouattara dit : je suis d'accord de ne plus me présenter à condition que Bédié et Gbagbo en fassent autant. C'est effrayant. En fait, ces anciens acteurs devraient tous prendre leur retraite. Sinon, l'histoire va se répéter

Alioune Tine, fondateur du Think Tank Afrikajom Center

à franceinfo Afrique

On va vers des élections catastrophiques, prévient Alioune Tine. Il s’inquiète des conséquences d’une nouvelle crise ivoirienne dans toute la région ouest-africaine déjà confrontée au péril jihadiste. Comment un pays comme la Côte d’Ivoire, qui partage une frontière avec le Mali et le Burkina, peut-il se permettre de jouer avec le feu, s’interroge-t-il.

"Tant qu’on n'aura pas réglé les problèmes de gouvernance en Afrique, tant qu’on n'aura pas réglé les problèmes de président de droit divin, on n'aura pas la paix". Et c’est malheureusement dans les pays francophones que ces problèmes persistent, constate Alioune Tine.

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