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Algérie : des prières de rue contre les concerts et les festivals de musique

Plusieurs concerts ont été annulés ou reportés après des protestations de militants (islamistes pour une partie des médias) qui prient devant les salles de spectacles pour empêcher le public d’y accéder. La presse algérienne s’alarme de la multiplication de ces actes, qui ne sont pas sans rappeler des souvenirs traumatisants pour les Algériens.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 1 min
Des fans de Cheb Khaled pour le retour du King en Algérie en 2000 (AFP)

Ouargla, El Oued, Boumerdès, etc... Les galas sont devenus la cible d’une partie de la population algérienne en colère contre «la gabegie». Dernière victime en date, 1er août 2018, le Festival du raï de Sidi Bel Abbès qui a failli être annulé. «Plusieurs dizaines de religieux sont venus s’installer devant la maison de la culture de la ville pour accomplir la prière du Maghreb (prière du soir NDLR), en signe de désaccord avec l’organisation de ce festival dans leur wilaya. Les manifestants ont ensuite tenté de s’approcher du lieu où se tenait la cérémonie», relate Casbah Tribune. Il a fallu l’intervention des forces de l’ordre pour que le festival soit maintenu.
 
Islamistes ou ras-le-bol social ?
Ce mouvement de contestation, né sur les réseaux sociaux, a commencé à Ouargla (710 km au sud d’Alger) le 26 juillet 2018. Les manifestants arboraient des revendications sociales (baisse des factures d’électricité, construction d’hôpitaux) pour exiger l’annulation du concert du raïman Kader Japonais. Derrière les revendications sociales, une idéologie religieuse ? «Il faut remonter au temps de l’ex-FIS (Front islamique du salut, parti dissous, NDLR), au début des années quatre-vingt-dix, pour voir des concerts annulés sous pression «citoyenne». Le phénomène a disparu depuis, mais ces derniers temps il y a de plus en plus de réclamations allant dans ce sens. Il y a moins de deux semaines, un gala a également été annulé à Jijel», rappelle Algérie-Focus.
 
«La culture, une cible facile»
Le quotidien El Watan consacre un dossier à ces annulations et cite le poète et universitaire Achour Fenni : «Pourquoi les revendications sociales et le slogan de l’austérité ne sont brandis que lorsque cela concerne la culture ? Les mêmes revendications peuvent-elles être exprimées contre le foot par exemple ? On ne combat pas le terrorisme seulement avec les armes. Le terrorisme ne se niche pas que dans les maquis».

Pour de nombreux observateurs, les islamistes surfent sur le mécontentement populaire et avancent masqués. La forme de protestation (prières de rue) ravive des souvenirs douloureux en Algérie quand l’ex-parti dissous FIS faisait d’impressionnantes démonstrations de force en occupant l’espace public par des défilés et prières collectives. Il avait à l’époque réussi à faire annuler des spectacles et concerts en décrétant la musique et la danse illicites. Avant de prendre les armes après l’interruption du processus électoral en 1992.

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