À vrai dire. Le franc CFA est-il une cause de l'émigration de certains Africains ?
Les opposants au franc CFA ont trouvé un nouvel allié en la personne du vice-premier ministre italien, Luigi Di Maio. Il accuse cette monnaie africaine d'être responsable de la crise migratoire. Une accusation portée contre la France qui aurait empêché le développement des pays de la zone franc.
Luigi Di Maio a lancé ses attaques contre la France et contre le franc CFA lors de plusieurs interviews les 20 et 21 janvier.
Une monnaie héritée de la colonisation, selon lui : "La France imprime dans une dizaine de pays africains une monnaie qui s'appelle le franc des colonies, affirmait-t-il sur la radio italienne RTL. (NDRL : le franc CFA s'est appelé "franc des colonies françaises d'Afrique" jusqu'en 1958. La référence à la France a été supprimée après la décolonisation). Le vice-président du conseil italien poursuit : "Avec cette monnaie, on fait payer un pourcentage de la richesse nationale avec laquelle est financée une petite partie du déficit français. En faisant ainsi, il est logique qu'ils bloquent le développement de ces pays, parce que c'est le colonialisme des pays européens qui n'a jamais pris fin, et en même temps nous nous retrouvons avec les départs des migrants africains".
Le lendemain, 21 janvier 2019, Luigi Di Maio répète ses attaques devant plusieurs médias : "Je pense que la France est l'un de ces pays qui, en impritmant de la monnaie pour 14 pays africains, empêche leur développement économique et contribue au départ des réfugiés qui, ensuite, meurent en mer ou arrivent sur nos côtes."
Comment fonctionne le franc CFA ?
Le système a été mis en place au sortir de la seconde guerre mondiale. Aujourd'hui, 14 pays africains utilisent le franc CFA comme monnaie nationale. 14 pays répartis entre Afrique de l'Ouest et Afrique centrale : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Togo, le Cameroun, la République Centrafricaine, la République du Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad.
60 ans après la décolonisation, le rôle de la France dans ce système reste central : le pays assure une parité fixe entre le franc CFA et l'euro. Les billets eux-même sont imprimés en France.
Paris ne prélève aucune taxe pour l'utilisation du franc CFA. En revanche, la France impose aux pays membres de stocker au moins 50% de leurs réserves de change dans les coffres de la Banque de France ; Avec un accès libre et illimité pour les pays en question. Ce qui, sur le papier, empêche l'Etat français de faire usage de ces fonds si par hasard il voulait s'en servir pour payer son déficit.
Le franc CFA freine-t-il le développement économique des pays membres ?
Le franc CFA a l'avantage d'assurer la stabilité de la monnaie quel que soit le contexte politique et économique des pays concernés.
Depuis 1999 dans ces pays, l'inflation a été de 2,4% en moyenne, selon un rapport d'OCP Policy Center, un "think tank" marocain. Sur la même période, les prix ont beaucoup plus augmenté dans les pays qui n'utilisent pas le franc CFA : +18%.
Le revers de cette médaille, c'est que l'indexation avec l'euro fait du franc CFA une monnaie forte, trop forte. Cela renchérit le prix des exportations et limite les possibilités d'investissement public et l'accès au crédit.
Toujours selon le rapport d'OCP Policy Center, la croissance moyenne depuis 1999 a effectivement été inférieure dans les 14 pays de la zone franc à celle des autres pays d'Afrique subsaharienne : 4,35% contre 5,1%.
Difficile, malgré tout, d'imputer cette différence uniquement à la monnaie commune.
Le franc CFA créé-t-il des candidats à l'émigration ?
La théorie développée par le vice-président du conseil italien et d'autres membres de son parti, le M5S, est la suivante : les pays de la zone CFA sont plus pauvres que les autres. Leurs habitants fuient vers l'Europe. Ce sont eux qui constitueraient la masse de migrants qui risquent chaque jour leur vie en traversant la Méditerranée.
Pourtant, la liste des nationalités des migrants, recensés par les Nations Unies montrent qu'ils proviennent principalement de Guinée, du Maroc, du Mali, de Syrie et d'Irak. Dans les neufs premiers pays, seuls deux sont membres de la zone franc : le Mali et la Côte d'Ivoire.
Si l'on regarde la provenance des migrants qui débarquent uniquement en Italie, puisque l'accusation vient de là, on retrouve le Mali et la Côte d'Ivoire en bas de classement. Parmi les premiers pays concernés, on ne retrouvent que des nations qui n'utilisent pas le franc CFA. Parmi eux, l'Érythrée, une ancienne colonie italienne.
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