Ouganda-Tanzanie : le français Total et le chinois CNOOC lancent un mégaprojet pétrolier à 10 milliards de dollars
Un oléoduc de 1 440 kilomètres va acheminer le pétrole pompé dans l'ouest de l'Ouganda jusqu’au port tanzanien de Tanga sur l’océan Indien. Un projet dénoncé depuis des années par les ONG comme "une menace écologique".
Malgré les craintes environnementales, le groupe français TotalEnergies a conclu avec l'Ouganda et la Tanzanie un accord d'investissement de 10 milliards de dollars, dans le cadre du mégaprojet controversé d'exploitation du pétrole ougandais et de construction d'un oléoduc de 1 440 kilomètres.
Le projet est lancé
Cet accord, appelé Décision finale d'investissement (FID), a été signé seize années après la découverte de réserves pétrolières dans la région du lac Albert, dans l'ouest de l'Ouganda. "A partir d'aujourd'hui, avec le FID, le projet va entrer pleinement dans la phase de construction", a affirmé le 1er février 2022 le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné.
Total s’est associé avec le géant pétrolier chinois CNOOC pour ce méga contrat qui prévoit d'extraire jusqu'à 230 000 barils de brut par jour à partir de 2025. "Aujourd'hui, nous nous engageons à investir 10 milliards de dollars dans les projets Tilenga et Kingfisher et de l'oléoduc long de 1 443 kilomètres" reliant l'Ouganda à la Tanzanie, a déclaré Patrick Pouyanné, lors d'une cérémonie officielle dans la capitale ougandaise Kampala.
Outre l'oléoduc, le projet prévoit le forage de centaines de puits de pétrole dans plusieurs réserves naturelles. Le président de CNOOC Ouganda, Chen Zhuobiao, a lui qualifié la journée d'"incroyable". "Un tel moment était attendu depuis longtemps pour ce secteur", a-t-il dit.
Depuis la découverte de pétrole en 2006, les autorités ougandaises ont le rêve un peu fou de voir leur pays se transformer en "Eldorado pétrolier". Sur les rives et sous les eaux du lac Albert, séparant l'Ouganda de la République démocratique du Congo, reposent l'équivalent de 6,5 milliards de barils de brut, dont environ 1,4 milliard récupérables dans l'état actuel des découvertes. Les réserves de l'Ouganda peuvent durer entre 25 et 30 ans, avec un pic de production estimé à 230 000 barils par jour.
TotalEnergies a précisé qu'il opérera le projet Tilenga, tandis que le site de Kingfisher sera sous la responsabilité de CNOOC. Ils devraient commencer à produire en 2025. En aval, un oléoduc chauffé baptisé East African Crude Oil Pipe Line (EACOP) doit acheminer ce brut depuis l'ouest de l'Ouganda jusqu'au port tanzanien de Tanga, sur l'océan Indien.
"Booster l'économie"
"Cet argent va booster notre économie", a déclaré le président ougandais Yoweri Museveni, présent aux côtés du vice-président tanzanien Philip Mpango. "Je félicite nos partenaires Total et CNOOC. Nous sommes maintenant prêts. Nous avançons", a ajouté le président de 77 ans, décriant les associations qui critiquent le projet comme des gens qui "n'ont pas de travail". Le projet fait l'objet de vives critiques d'ONG de défense de l'environnement selon qui le pipe-line fait perdre l'accès à leurs terres à des dizaines de milliers d'agriculteurs et représente une menace écologique pour cette région riche en biodiversité.
Un rêve pétrolier qui pourrait se transformer en cauchemar environnemental si l'on regarde l'exploitation chaotique du pipe-line nigérian.
"Les conséquences de la construction de (l'oléoduc) seront dévastatrices pour nos communautés, la faune et pour la planète."
landry Ninteretse, ONG 350Africa.orgà l'AFP
"Ignorer les violations croissantes des droits humains en Ouganda et Tanzanie et les immenses risques environnementaux et climatiques ne les fera pas disparaître. Plusieurs banques l'ont bien compris et ont donc refusé de participer au financement", a de son côté affirmé Juliette Renaud, responsable de campagne pour les Amis de la Terre France. Le journal Les Echos rapportait en avril 2021 que trois banques françaises – à savoir BNP, Crédit Agricole et Société Générale –, avaient refusé de soutenir le projet.
Recours en justice
En France, un consortium d'associations, dont les Amis de la Terre France, a assigné TotalEnergies devant la justice pour n'avoir pas respecté ses obligations légales de protection de l'environnement et des droits des populations touchées par le projet. En décembre 2021, la Cour de cassation – plus haute juridiction française – avait donné raison aux associations pour juger leur recours devant un tribunal judiciaire, et non devant un tribunal de commerce.
"Nous sommes conscients de la sensibilité des zones où nous travaillons. Nous nous sommes engagés à laisser une empreinte environnementale positive", a déclaré le 1er février 2022 Patrick Pouyanné. Dans son communiqué, l'entreprise souligne également la signature avec les autorités ougandaises d'un protocole d'accord pour le développement d'énergies renouvelables, avec un objectif fixé à 1 000 mégawatts.
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