Ibrahim Zakzaky, leader de la minorité chiite du Nigeria, a été libéré après 5 ans derrière les barreaux
Fondateur du Mouvement islamique du Nigeria, il était détenu avec son épouse Zeenah Ibrahim depuis décembre 2015. Tous deux étaient accusés de meurtre.
Cette décision était attendue de longue date. Le tribunal de Kaduna, au nord du Nigeria, a relaxé et libéré le 28 juillet 2021 le dirigeant de la minorité chiite du Nigeria, Ibrahim Zakzaky, et sa femme Zeenah Ibrahim. Accusés du meurtre d'un militaire, ils étaient détenus depuis décembre 2015.
Rappel des faits
Le cheikh Ibrahim Zakzaky, fondateur du Mouvement islamique du Nigeria (Islamic Movement of Nigeria, MIN), était détenu avec son épouse Zeenah Ibrahim depuis cinq ans. Ils étaient notamment accusés du meurtre d'un soldat lors une procession religieuse en décembre 2015 lors de laquelle l'armée avait tiré dans la foule composée en majorité de fidèles chiites non-armés. Il y avait eu plus de 350 morts, selon des organisations de défense des droits de l'Homme. Pour justifier la répression, les militaires avaient accusé les membres du MIN d'avoir voulu tendre une embuscade au chef de l'armée. Les victimes avaient ensuite été enterrées dans des fosses communes et des centaines de chiites avaient été arrêtés.
Amnesty International, qui a dénoncé sur Twitter la "détention illégale" du cheikh Zakzaky, s'est demandée si celle-ci ne s'inscrivait pas dans une "tentative pour dissimuler les crimes atroces commis par les membres des forces de sécurité à Zaria en décembre 2015".
—Today marks 2000 days since the unlawful detention of the leader of Islamic Movement Of Nigeria Sheik Ibraheem El-Zakzaky by the Nigerian government.
— Amnesty International Nigeria (@AmnestyNigeria) June 4, 2021
—Between Dec. 12-14 2015 Nigerian military killed over 350 of his followers in Zaria. pic.twitter.com/szQdKMwhrT
Un rapport officiel de l'Etat de Kaduna avait en effet reconnu que l'armée avait agi de manière disproportionnée et que les militaires impliqués devaient être punis, mais aucun n'a jamais été poursuivi. Par ailleurs, fin 2016, un tribunal fédéral avait jugé illégale la détention du chef religieux et ordonné sa libération. Mais cette décision n'avait jamais été exécutée.
"Une victoire de la persévérance", selon le MIN
"La Cour a relaxé et acquitté le cheikh Ibrahim Zakzaky et sa femme de toutes les accusations portées contre eux. Ils ont été libérés aujourd'hui", a déclaré à l'AFP Sadau Garba, l'un des avocats du couple.
Ils vont "certainement demander des dommages et intérêts au gouvernement de l'Etat de Kaduna pour toutes les privations et les souffrances subies"
Sadau Garba, avocat du cheikh Zakzakyà l'AFP
Cependant, le représentant du parquet, Dari Bayero, a indiqué que "cela ne signifie pas qu'ils ne peuvent plus être poursuivis. (...) Nous allons certainement présenter des accusations en appel."
"Ce jugement ne leur donne pas seulement raison, ainsi qu'à tous les membres du MIN au Nigeria, mais il est aussi une victoire de la persévérance face à l'extrême persécution", a réagi le MIN dans un communiqué avant d'ajouter : "C'est une victoire de la vérité et de la justice contre la tyrannie et l'impunité."
Fondateur du MIN, proche de l'Iran chiite
Le Mouvement islamique du Nigeria, qui est basé à Zaria, s'est inspiré de la Révolution islamique en Iran à la fin des années 1970. Ibrahim Zakzaky rêverait selon ses détracteurs d’installer une République islamique dans son pays. Proche de Téhéran, il rencontre une grande hostilité au Nigeria, où l'élite musulmane est sunnite et proche de l'Arabie saoudite.
Les prêches de Zakzaky, qui ont séduit une certaine jeunesse déçue par le pouvoir, se sont traduits par des millions de conversions, ce qui a inquiété les autorités nigérianes. Lesquelles ont interdit le mouvement religieux en 2019 et réprimé, souvent dans le sang, ses manifestations. "Pour les observateurs, le pouvoir d’Abuja se comporte avec les chiites comme il le fait avec Boko Haram. La répression est féroce et aveugle. Et beaucoup s’inquiètent de voir l’IMN se radicaliser, tout comme Boko Haram l’avait fait en 2009, après la mort de son chef, tué par la police", écrivait franceinfo Afrique en août 2019.
La minorité chiite compterait aujourd'hui quelque quatre millions de fidèles au Nigeria, sur les 80 à 85 millions de musulmans du pays le plus peuplé d'Afrique (190 millions d'habitants). Le reste de la population est majoritairement chrétienne, principalement au Sud.
En 2019, plus d'une centaine de détenus avaient déjà été libérés, puis en février 2020, plus de 80 autres, mais le cheikh Zakzaky et sa femme étaient toujours en prison.
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