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Nigeria : ce que l'on sait de l'enlèvement par Boko Haram de centaines d'élèves du lycée de Kankara

Si le groupe jihadiste a revendiqué l'opération, celle-ci a pourtant été menée loin de ses terres, une preuve de son influence grandissante.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Vue d'un bâtiment du lycée de Kankara attaqué par des terroristes le 11 décembre 2020. (AFOLABI SOTUNDE / REUTERS)

On est encore sans nouvelles de plusieurs centaines élèves du lycée de Kankara, dans l'Etat de Katsina, au Nigeria, après l'attaque perpétrée contre leur établissement dans la nuit du 11 au 12 décembre. Boko Haram a revendiqué l'attaque de la voix même de son chef Abubakar Shekau. Dans un message audio de propagande, celui-ci explique : "Je suis Abubakar Shekau et nos frères sont derrière les enlèvements de Katsina."

Attaque contre "l'éducation occidentale"

"Ce qu'il s'est passé en Katsina a pour but de décourager les pratiques anti-musulmanes comme l'éducation occidentale qui n'est pas ce que permet Allah et son Prophète", a déclaré Abubakar Shekau. La revendication est tardive, plus de trois jours après les faits. Elle n'entre pas non plus dans les détails sur le nombre d'enfants enlevés ou sur le mode opératoire.

Aussi pensait-on que des "bandits", des groupes armés spécialistes des enlèvements, étaient derrière cette action. Jusqu'à présent, la région est le théâtre d'attaques contre l'armée nigériane et d'enlèvements à faible échelle pour obtenir le paiement d'une rançon.

Image d'une vidéo non-datée sur laquelle apparaît Aboubakar Shakau, chef de Boko Haram. Le groupe terroriste a revendiqué l'attaque, le 11 décembre 2020, contre le lycée de Kankara au Nigeria. (Reuters)

Extension de l'influence de Boko Haram

Si l'opération contre l'établissement de Kankara a bien été pilotée par Boko Haram, cela constituerait une première pour le groupe terroriste. En effet, Kankara se situe à 100 km environ à vol d'oiseau à l'ouest de Kano, la grande ville du nord du Nigeria. La région est très éloignée de sa zone d'opération, située à l'est du pays, près du lac Tchad.

A cette distance de sa base, il semble peu probable que le groupe terroriste soit directement responsable de l'attaque. D'autant que les assaillants sont arrivés à moto devant l'établissement scolaire. L'attaque pourrait être l'œuvre de groupes armés, installés dans le nord-ouest du Nigeria qui ont fait allégeance il y a peu au chef de Boko Haram. Cela indique clairement l'extension de l'influence du groupe islamiste qui gagne ainsi tout le nord du pays, le long de la frontière avec le Niger.

Le président Buhari affaibli

L'opération est également un véritable camouflet pour le président Buhari. Ella eu lieu dans son fief, l'Etat de Katsina, où il était présent au moment de l'attaque, dans sa résidence de Dora. Un message très clair est ainsi adressé, alors que le président nigérian a déclaré que la lutte contre Boko Haram était une priorité. Or, le groupe terroriste et ses affidés sont libres de leurs faits et gestes sur tout le nord du Nigeria.

D'ailleurs, l'enlèvement des élèves a pris une tournure très politique. La population de la région concernée, mais aussi l'opposition nationale, instruisent un procès en incompétence du président Buhari. Ceci explique sûrement la confusion qui règne sur le déroulé des événements. Le nombre d'élèves manquants est lui-même sujet à caution.

Pour les autorités locales, 333 élèves ont été enlevés, alors que le gouvernement fédéral n'en relève que dix ! Mais selon le registre de l'école, 668 élèves seraient manquants : enlevés, cachés dans la forêt, ou simplement rentrés chez eux.

De possibles négociations ?

Des informations tout aussi contradictoires circulent sur les opérations militaires menées pour retrouver les élèves et leurs kidnappeurs. Les autorités ont annoncé lundi 14 décembre que les terroristes avaient été localisés et qu'une opération militaire était en cours. Mais désormais, on parle de négociations.

Selon le gouverneur de l'Etat de Katsina, Aminu Masari, les ravisseurs ont pris contact et des négociations sont en cours. Une information démentie par Boko Haram qui prétend n'avoir fait aucune demande ni être en relation avec certains parents.

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