Cet article date de plus d'un an.

Pas de demande d'aide du Maroc à la France après le séisme : "Bien sûr, il y a des considérations politiques en jeu", selon l'historien Gabriel Martinez-Gros

À l'origine des tensions entre les deux pays, les relations de la France avec l'Algérie et la personnalité même d'Emmanuel Macron, selon Gabriel Martinez-Gros.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Emmanuel Macron et le roi Mohammed VI, le 15 novembre 2018, lors de l'inauguration d'une ligne de train à grande vitesse à Rabat (Maroc). (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / POOL)

"Bien sûr, il y a des considérations politiques en jeu", a expliqué Gabriel Martinez-Gros, historien et professeur émérite à l'université de Nanterre, lundi 11 septembre sur franceinfo. La France a proposé son aide au Maroc, mais plus de 48 heures après le séisme, le pays n'y a pas répondu favorablement. À l'inverse, Rabat autorise le Qatar, les Émirats arabes unis, l'Espagne et la Grande-Bretagne à envoyer des équipes de recherches et de sauvetage. Selon Gabriel Martinez-Gros, les relations entre la France et l'Algérie expliquent en grande partie les tensions entre Paris et Rabat. Il estime que la personnalité d'Emmanuel Macron "joue son rôle" également.

>> Séisme au Maroc : le silence gênant de Mohammed VI

"Le Maroc n’a refusé personne, il est souverain dans ses décisions", réagit Catherine Colonna, la ministre des Affaires étrangères. "Il ne faut pas y voir une quelconque raison politique", déclare la députée Renaissance Nadia Hai. Partagez-vous ces constats ?

Gabriel Martinez-Gros : Non. Bien sûr, il y a des considérations politiques en jeu. La crise n'est pas très grave mais elle est significative d'une situation très profonde. Il y a un troisième partenaire dont on ne parle pas – parce que ça ne n'est pas l'heure dans les circonstances graves de ce tremblement de terre – c'est l'Algérie. La France est en face de ces deux anciennes colonies, complètement opposées pratiquement dans leur principe, les décolonisations ont été très différentes. Bref, tout oppose l'Algérie et le Maroc, et la France n'a pas choisi et probablement ne peut pas choisir.

"Il est très évident qu'aujourd'hui les pays, dont le Maroc accueille l'aide, sont les pays du groupe d'Abraham, ceux qui ont admis que le Sahara occidental [au cœur d'un conflit diplomatique entre l'Algérie et le Maroc] était marocain."

Gabriel Martinez-Gros, historien

à franceinfo

Ceux qui poussent le Maroc et d'une manière générale le monde islamique à une régularisation avec Israël par exemple.

La reconnaissance du Sahara occidental mais aussi eu la brouille diplomatique entre Paris et Rabat à propos des visas. Paris avait décidé de réduire de 50% le nombre de visas accordés au Maroc. L'idée, c'était de mettre la pression sur le royaume jugé trop peu coopératif au moment de recevoir les ressortissants marocains expulsés de France. Cela peut aussi expliquer les crispations ?

D'une manière générale, le Maroc et le Maroc vis-à-vis de l'Algérie toujours, réclament une position privilégiée à la France. Avec cette idée : Il n'est pas normal que vous accordiez un tel droit à l'Algérie alors que vous ne l'accordez pas au Maroc, alors que vous savez fort bien que le Maroc vous a soutenu beaucoup plus que l’Algérie dans les instances internationales et d'une manière générale dans toutes les crises que la France a pu traverser.

"Les services secrets marocains ont joué effectivement un rôle important dans l'échec d'un certain nombre de complots ou d'attentats terroristes en préparation. Donc, il y a une dignité offensée si j'ose dire, ou un sentiment d'ingratitude des marocain vis-à-vis de la France."

Gabriel Martinez-Gros

à franceinfo

Tout simplement parce que les accords avec l’Algérie ont été portés par un siècle et demi de colonisation pendant lesquels l'Algérie a été la France. Il suffit aussi de voir quelle a été la répartition que la France a faite, des terres sahariennes. L'Algérie en a tiré évidemment la part majeure, tout simplement parce qu'elle était encore la France au moment où ce partage a été fait, c'est-à-dire entre 1958 et 1962.

Il y avait aussi une proximité entre les présidents français et le père de Mohammed VI. Aujourd'hui, on a l'impression que ce rapport privilégié est entaché ou en tout cas moins chaleureux. L'entourage du roi du Maroc avait d'ailleurs dénoncé au printemps dernier l'arrogance d'Emmanuel Macron. Sa personnalité n’est pas appréciée par le roi du Maroc ?

Il est probable que le facteur personnel d'Emmanuel Macron joue son rôle. Une sorte de manque de chaleur qui n'est pas apprécié, tant au Maroc que, semble-t-il, dans nombre de pays de d'Afrique subsaharienne. Il y a un passage de génération qui a un peu de mal à se faire entre le tonitruant mais populaire Jacques Chirac qui savait serrer les mains, embrasser très largement, et Emmanuel Macron qui a plus de mal à le faire, c'est certain.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.