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Maroc : le dérèglement climatique menace les derniers nomades et leur culture millénaire

Le nomadisme pastoral, un mode de vie reposant sur la mobilité au gré des saisons et des pâtures du bétail, tend à disparaître.

Article rédigé par franceinfo Afrique avec AFP
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Une femme berbère prépare du thé près du village d'Amellagou où résident les derniers nomades du Maroc, le 2 septembre 2022. (FADEL SENNA / AFP)

Le nomadisme pastoral est en voie de disparition au Maroc. Ce mode de vie concerne aujourd’hui moins de 5 000 personnes, se déplaçant dans le grand Sud marocain, contre 25 000 en 2014 et 70 000 dix ans plus tôt. 

Rareté de l'eau

Cette année, le Maroc subit sa pire sécheresse depuis quatre décennies et la situation devrait empirer progressivement jusqu'en 2050 sous l'effet d'une baisse de la pluviométrie (-11%) et d'une augmentation annuelle des températures, selon le ministère de l'Agriculture. "Les nomades ont toujours été considérés comme un thermomètre des changements climatiques. Si eux, qui vivent dans des conditions extrêmes, n'arrivent plus à résister à l'intensité du réchauffement, c'est que l'heure est grave", souligne l'anthropologue Ahmed Skounti."Le tarissement des ressources hydriques, visible aujourd'hui même chez les sédentaires, plante le dernier clou dans le cercueil des nomades", assène-t-il. 

"L'eau se fait rare. Les températures augmentent, la sécheresse sévit sans qu'on puisse faire grand-chose", confirme Moha Ouchaâli à l’AFP, nomade de la tribu amazigh (berbère) des Aït Aïssa Izem. Le dérèglement climatique perturbe en premier lieu leur parcours de transhumance. En temps normal, les Aït Aïssa Izem passent l'été dans la vallée montagneuse d'Imilchil car il y fait plus frais et préfèrent, l'hiver, les environs plus cléments de la province voisine d'Errachidia. "C'est de l'histoire ancienne, maintenant on va là où il reste un peu d'eau pour sauver le bétail", explique Moha Ouchaâli. "Nous sommes épuisés", souffle Ida Ouchaâli, son épouse. La rareté de l'eau contraint même certains nomades à s'endetter pour nourrir leur bétail, principale source de revenus.

Sédentarisation forcée

Mais le phénomène le plus commun face au changement du climat demeure le choix de la sédentarisation. "J'étais fatigué de me battre. On était devenus des parias de la société. Je n'ose même pas imaginer ce qu'endurent les nomades d'aujourd'hui", raconte Haddou Oudach, 67 ans, qui a abandonné le nomadisme en 2010.

Un autre itinérant, Saïd Ouhada, la quarantaine, a déjà mis un pied en ville en y installant sa femme et ses enfants pour leur scolarité. "Etre nomade, ce n'est plus comme avant. Je continue à l'être par contrainte car mes parents très âgés refusent de vivre en ville". 

Une culture qui disparaît 

Le climat n'est pas l'unique facteur précipitant la détérioration de leurs conditions de vie."La raréfaction des pâturages due à la privatisation des terres et de l'investissement agricole, y contribue", note Moha Haddachi, 54 ans, président de l'association des nomades des Aït Aïssa Izem. "Ce sont les investisseurs agricoles qui dominent des espaces où les animaux des nomades avaient pour habitude de paître", ajoute le militant associatif. Cette concurrence entre éleveurs et agriculteurs, autour de la terre et de l'eau entre, est source de conflit dans la région. 

Les nomades peuvent aussi faire face à "l'hostilité" de certains villageois, rétifs à l'idée de les voir s'installer "chez eux". "Pourtant, ça n'a pas été toujours le cas, partout où on allait on était les bienvenus", déplore l'ex-nomade Haddou Oudach. Face à ces difficultés, la vie nomade ne semble plus séduire les jeunes qui rêvent de sédentarité. 

Houda Ouchaâli, jeune fille de 19 ans, qui cherche à suivre une formation professionnelle après avoir quitté le lycée, avoue "détester" le nomadisme car elle "ne supporte plus de voir (ses) parents souffrir et se battre pour survivre". "La nouvelle génération veut fermer le chapitre du nomadisme. Les choses les plus simples deviennent trop compliquées ici." C’est un mode de vie mais aussi une culture qui disparaît. Une culture de l’hospitalité, "et un art de la parole et le souci du bien parler", résume Dominique Casajus, chercheur Centre national de la recherche scientifique (CNRS), dans son livre "Gens de parole".

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