Maroc : Imzouren, l'autre ville berbère du Rif qui se révolte à la nuit tombée
La presse en parle rarement, les habitants y manifestent pourtant quotidiennement par centaines, voire par milliers. Située à une quinzaine de kilomètres d'Al-Hoceïma dans le nord du Maroc, la ville d'Imzouren est l'autre haut-lieu de la contestation qui secoue le Rif depuis des mois. Jouxtant l'aéroport d'Al-Hoceïma, Imzouren est un agrégat de constructions cubiques dispersées dans un paysage rocailleux au pied des montagnes.
Entourée de cafés aux terrasses désertées, une fade esplanade de béton accueille le visiteur de passage, sous le regard de jeunes désœuvrés. Beaucoup de volets sont fermés. Les appartements attendent le retour en été de leurs propriétaires, émigrés en Europe, aux Pays-Bas notamment.
#Hirak #rif Cette nuit dans la ville de #imzouren pic.twitter.com/105NCpUKxQ
— Le Rifain (@abdelM9) June 12, 2017
En cette deuxième semaine de ramadan, la petite ville de 40.000 habitants semble endormie, une impression contrastant avec les images qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux où des foules enflammées dénoncent, le poing levé, la marginalisation du Rif par un Etat marocain «corrompu».
Imzouren change de visage à la nuit tombée
C'est dans cette ville que des émeutiers avaient incendié fin mars une résidence de la police, dont les occupants avaient dû sauter du toit pour échapper aux flammes. Dans la nuit du vendredi 9 juin au samedi 10 juin 2017, des dizaines de jeunes dissimulés dans l'obscurité d'un quartier périphérique, le visage couvert, ont lancé des pierres contre les forces anti-émeutes qui bouclent le centre-ville. Les heurts ont duré deux heures. Samedi soir, ils se sont de nouveau retrouvés au même endroit, en marge d'une marche de protestation qui a rassemblé un demi-millier de personnes et s'est terminée sans incident.
Indomptée et indomptable
Le Rif est une région historiquement frondeuse, qui porte encore les blessures d'un passé tumultueux: rébellion, répression et marginalisation par l'ancien roi Hassan II. En 2004, Imzouren fut l'épicentre d'un tremblement de terre meurtrier (plus de 600 morts, 15.000 sans-abris) qui a donné à la périphérie de la ville ce visage de banlieue reconstruite à la va-vite.
#Hirak: A #Imzouren, jets et pierre et canon à eau lors de heurts avec la police https://t.co/lAGcfjVZWC via @LeDesk_ma
— Le Desk (@LeDesk_ma) June 2, 2017
«Ici, nous refusons la hogra (humiliation)», lance Nabil, un militant d'Imouzren, la trentaine. «Le sang de Moulay Mohand coule encore dans nos veines», dit-il dans un arabe châtié, dans cette ville largement berbérophone.
Moulay Mohand (ou Abdelkarim el-Khattabi de son vrai nom) était le chef de l'armée insurrectionnelle du Rif qui mit en déroute dans les années 1920 l'envahisseur espagnol, et dont les faits d'armes suscitent encore la fierté des populations locales.
L’été risque d’être très chaud
«Après sept mois de manifestations pacifiques, la police est devenue répressive. Nous n'avons pas peur car nous n'avons rien à perdre», lance, déterminé, un jeune contestataire qui dit exiger «la libération immédiate des prisonniers», après la vague d'arrestations qui a visé ces deux dernières semaines les leaders de la contestation.
Les habitants se méfient des hommes politiques, ils sont dans une défiance passive. Les législatives d'octobre 2016 ont vu un très faible taux de participation et des résultats vivement contestés. «Dans le contexte actuel, toute médiation est impossible», juge un acteur de la société civile, pourtant impliqué dans des tentatives de médiation avec les contestataires. Il se dit «inquiet du retour cet été des Rifains de la diaspora, souvent plus radicaux contre le Makhzen (pouvoir)». «A Imzouren comme à Al-Hoceïma, tout le monde attend dorénavant la parole du roi». L’été risque d’être très chaud.
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