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Le Maroc choisit le Sahara occidental pour y organiser des manœuvres militaires avec les Etats-Unis

African Lion 2021, manœuvres conjointes pilotées par les Etats-Unis et co-organisés par le Maroc, se dérouleront à la mi-juin. 

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Un véhicule de l'armée marocaine longe la frontière avec la Mauritanie à Guerguerat au Sahara occidental le 25 novembre 2020. Des incidents avaient opposé l'armée à des sympathisants du Front Polisario qui bloquaient la frontière. (FADEL SENNA / AFP)

Les exercices conjoints African Lion 2021 pilotés par les Etats-Unis et co-organisés par le Maroc auront lieu à la mi-juin en partie dans le désert du Sahara occidental, a annoncé sur Twitter le Premier ministre marocain Saad Eddine El Othmani. Une localisation qui résonne comme une victoire pour le royaume. Cela "marque la consécration de la reconnaissance américaine du Sahara marocain", s'est félicité le Premier ministre marocain.

Pour Rabat, c'est le signe que cette région fait bien partie du royaume, enfonçant un peu plus le clou après l'accord négocié à la fin du mandat de l'ex-président américain Donald Trump. Les Etats-Unis reconnaissaient la souveraineté du Maroc sur ce territoire revendiqué par les indépendantistes du Front Polisario. En contrepartie, Le Maroc et Israël devaient resserrer leurs liens diplomatiques.

Les manœuvres conjointes de l'Africom vont réunir 7 800 soldats, une centaine de blindés, 21 avions de combat et 46 de soutien, venus de neufs pays pendant dix jours, à compter du 7 juin prochain. Si le site du commandement américain ne précise pas les lieux où se dérouleront ces exercices, le Maroc est bien plus précis, selon l'AFP.

Une marque de souveraineté

Et le choix est tout sauf anodin. Il marque la souveraineté du pays dans des zones stratégiques à ses yeux. Ainsi, on trouve la région de Dakhla, ville côtière du Sud, dont Rabat voudrait développer le potentiel touristique, et clairement devenue la tête de pont de son ancrage au Sahara occidental. Selon Jeune Afrique la ville "est la vitrine de la diplomatie chérifienne".

L’autre site, la région de Mahbès à l'Est, est tout aussi stratégique. Le lieu, aux confins du Maroc, de l'Algérie et de la Mauritanie, est régulièrement le théâtre d'escarmouches entre le Front Polisario et les soldats marocains. Y organiser des manœuvres est une façon de montrer son potentiel militaire et de calmer toute velléité.

L'Espagne absente

Le dernier point à noter de cette annonce est l'absence de l'Espagne de la liste des neuf pays participants, alors même que le pays devait participer aux manœuvres en 2020, annulées pour cause de Covid-19. Certains y voient un nouveau signe de la détérioration des relations diplomatiques entre Madrid et Rabat, dans le cadre de la question du Sahara occidental. Accueil du chef du Polisario Brahim Ghali en Espagne pour des soins d'un côté, "invasion" de migrants dans l'enclave de Ceuta de l'autre.

Une absence voulue par l'Espagne selon le quotidien El Pais, officiellement pour des raisons budgétaires. Mais selon le journal, des sources gouvernementales précisent qu'"envoyer des soldats espagnols là-bas légitimerait l'occupation marocaine de l'ancienne colonie".

Le Maroc armé par Washington

Dans le même article, le quotidien s'étonne de la pluie de matériels militaires américains reçue par le royaume chérifien. "200 chars de combat Abrams, 20 chasseurs F-16 de nouvelle génération (plus la modernisation de 23 plus anciens), 24 hélicoptères d'attaque Apache (avec option pour 12 de plus) et quatre drones MQ-9 Sea Guardian armés." Une facture que ne semble pas pouvoir payer Rabat.

L'édition espagnole du média russe RT n'hésite pas, elle, à parler "d'humiliation". "Le Maroc est plus important dans le monde que l'Espagne, souligne RT. Non seulement les Etats-Unis, l'OTAN ou l'Union européenne n'ont pas soutenu l'Espagne et n'ont pas imposé de sanctions au Maroc, mais ils n'ont montré aucune gêne pour la tenue d'exercices militaires au Sahara occidental au milieu de la crise hispano-marocaine."

Si dans les sables du Sahara les armes ne crépitent pas encore, la guerre des mots, elle, a commencé.

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