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Cap-Vert : carré juif dans un cimetière catholique réhabilité par un musulman

Des descendants de juifs de divers horizons ont inauguré en mai 2013 au Cap-Vert un «carré juif» dans un cimetière catholique, réhabilité grâce… à un musulman, le roi du Maroc. L’occasion de rappeler l’histoire d’une communauté oubliée.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
La cérémonie d'inauguration du «carré juif» dans le cimetière catholique de Varzea, à Praia, capitale du Cap-Vert, le 2 mai 2013. (AFP - STR)
«Sepulturas judaicas. Jewish gravesites» (Tombes juives), peut-on lire sur la plaque (en portugais et en anglais), dévoilée le 2 mai 2013 dans ce carré juif, au milieu de sépultures ornées de croix dans le cimetière catholique de Varzea, à Praia, capitale de l’archipel du Cap-Vert dans l'Atlantique, au large du Sénégal.

Avaient fait le déplacement l'occasion le grand rabbin de la communauté juive de Lisbonne, Eliezer Schai di Martino, un émissaire du roi Mohammed VI du Maroc, Abdallah Boutadghart, des diplomates. Et une cinquantaine de descendants de juifs du Cap-Vert : des Blancs, des Noirs, des métis, venus d'Amérique, d'Europe, du Maroc. Certains arboraient la kippa, d'autres la chéchia (coiffure cylindrique rouge souvent portée en Afrique).

Le grand rabbin a prié pour le repos éternel des morts, arrachant des larmes à certains. Parmi ceux qui ont participé à l’office, beaucoup ont dit avoir le sentiment d'une justice enfin rendue à des ancêtres qui ont été persécutés et ont dû leur salut à la fuite.

D’une manière générale, l’origine de la communauté du Cap-Vert, ancienne colonie portugaise (depuis 1460), indépendante depuis 1975 et majoritairement catholique, est «très mal connue». Il semble que dans un premier temps, le territoire ait accueilli nombre de juifs qui fuyaient les persécutions de l’Inquisition en Espagne et au Portugal. Dans un deuxième temps, ils sont apparemment venus du Maroc au XVIIIe. Mais aussi au milieu du XIXe, tentant ainsi d’échapper aux difficultés économiques du royaume chérifien. La majorité d’entre eux seraient originaires de Tanger, Tetouan, Rabat et Essaouira.

Dans la petite foule de Varzea, composée essentiellement de quinquagénaires et au-delà, aucune tristesse n'était perceptible. L'atmosphère tenait plus de l'ambiance familiale, faite de retrouvailles et de nouvelles connaissances.
 
Dans le cimetière, Shepp Wahnon a retrouvé son cousin John Wahnon, qu'il a découvert par hasard il y a quelques années: leurs ancêtres ont tous quitté le Maroc au XVIIIe siècle.

Certains se disent fiers du parcours de descendants de ces ancêtres persécutés, figurant aujourd'hui parmi les familles «très considérées» au Cap-Vert, archipel qui compte un peu plus de 500.000 habitants. La communauté juive y est réduite en raison de l’isolement de ses membres. Mais aussi de «l’absence de vie religieuse et communautaire, l’émigration importante à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle», souligne un article du site sefarad.org. Il y aurait également eu de nombreux mariages mixtes avec des catholiques.

La descendance de ses membres a «donné des personnes de qualité dans beaucoup de domaines et aussi des entrepreneurs qui ont beaucoup contribué au développement du pays», souligne l'un d'eux, l'ex-Premier ministre cap-verdien (1990-2001) Carlos Wahnon Veiga. On trouve nombre de représentants de la communauté dans le commerce, les transports maritimes, le monde politique, les professions libérales, souligne Carol Castiel, journaliste américaine et présidente du projet «Patrimoine juif au Cap-Vert».
           
Beaucoup regrettent de ne pas pouvoir pratiquer la religion juive. Notamment parce que le Cap-Vert ne dispose d'aucune synagogue. John Wahnon tente de combler cette lacune en menant partout et en tout temps un travail de recherche généalogique, explique-t-il. «Parce que je veux savoir d'où je viens, qui je suis, pour savoir où je vais. Sans mon passé, je n'ai pas d'identité, et je cours le risque de me perdre», ajoute-t-il. 
Le hameau de Fontainhas, sur l'île de Santo Antao, dans l'archipel du Cap-Vert, le 27 décembre 2013. (Reuters - Jean-François Huertas)

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