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Mali : l'attaque du village d'Ogossagou, "un horrible massacre qui aurait pu être empêché"

Quasiment simultanément, l'ONU et Human Rights Watch rendent publics leurs rapports respectifs sur le massacre du village d'Ogossagou qui a fait 35 morts, le 14 février 2020. Edifiant.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Une maison d'Ogossagou incendiée lors de la précédente attaque contre le village, le 23 mars 2019. (HANDOUT / MALIAN PRESIDENCY)

Le 14 février 2020, pour la deuxième fois en un an, le village d'Ogossagou est attaqué par une bande d'hommes en armes. Fusils d'assaut, vieilles pétoires bricolées, machettes, tout est bon pour assassiner le plus d'habitants possible.
Les assaillants partis, on relèvera 35 morts, trois blessés. 19 personnes sont toujours portées disparues à ce jour.

Les Dozos à l'attaque

"Au moins 136 habitations (légères ou maçonnées) ont été détruites par incendie volontaire ou rendues inhabitables, 32 greniers et hangars de stockage de vivres incendiés ou rendus inutilisables, et un nombre important de têtes de bétail volées ou tuées", précise le rapport des soldats des Nations unies.

La région de Mopti où se trouve le village est devenue l'épicentre de violences intercommunautaires entre Peuls et Dogons. Cette fois, selon les témoignages recueillis, les attaquants sont des Dogons, des chasseurs traditionnels, "les Dozos".

Ogossagou, un village coupé en deux

Il y a le quartier peul d'un côté et son pendant dogon de l'autre, séparés par la route. Une vie à se regarder en chiens de faïence, rendue malgré tout possible par la présence de soldats des Fama, les Forces armées maliennes. Presqu'un an plus tôt, une attaque similaire avait provoqué la mort de 134 habitants et le gouvernement avait décidé alors d'installer un poste militaire pour ramener la paix. Lentement la vie reprenait ses droits à Ogossagou.

Et c'est justement le départ inattendu de ce détachement qui va donner le signal de l'attaque. Les chefs de village ont eu beau alerter les autorités, rien n'a empêché le carnage. Pas même l'envoi d'un détachement de soldats de la Minusma. Il arrive à temps, mais se trompe de village et poursuit sa route.
" Le deuxième massacre à Ogossagou a été particulièrement horrible, car l'armée malienne et les forces de maintien de la paix de l’ONU auraient pu l'empêcher ", constate Corinne Dufka de Human Rights Watch.

Inaction de l'armée malienne

Il fallait donc bien revenir sur ces dysfonctionnements. Côté Fama, aucune explication n'est donnée sur le départ des troupes du poste d'Ogossagou. Ce mouvement inquiète les villageois peuls. "En quelques heures, ces derniers ont observé une accumulation d'hommes armés dans le quartier dogon", écrit HRW dans son rapport. Mais les autorités maliennes alertées à maintes reprises ne bougent pas. Pourtant le contexte est particulièrement tendu. Les derniers mois, 15 villageois peuls ont été tués après s'être aventurés loin de leurs bases. Et récemment, trois bergers peuls ont été tués.

Aux questions pressantes de l'ONG, le gouvernement malien répond aujourd'hui : dysfonctionnement. Une enquête est en cours et des sanctions disciplinaires ont d'ores et déjà été prises, indique-t-il.

Second dysfonctionnement, celui des troupes de la Minusma. Le rapport de la commission d'enquête de l'ONU ne s'étend guère sur ce ratage dramatique. "Bien qu’arrivés aux alentours du village avant l’attaque, les éléments de la Force de la Minusma ont été détournés de leur itinéraire vers une autre localité. Ayant rebroussé chemin, les éléments de la Force ne sont arrivés sur les lieux qu’après l’attaque", a regretté Mahamat Saleh Annadif, représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU.

Fausse piste

Les détails sont à trouver chez Human Rights Watch qui a interrogé les rescapés. Ces derniers sont formels. Un convoi onusien est bien arrivé dans la nuit à Ogossagou, mais il ne s'est pas arrêté dans le quartier peul, malgré les torches agitées par les habitants. Selon d'autres, les Casques bleus ont demandé leur route hélas auprès de Dogons, qui leur auraient donné une fausse piste. Les Casques bleus à peine partis, l'attaque commençait.

L'échec des hommes de la Minusma peut se comprendre par la méconnaissance du terrain. Ils s'arrêtent chez l'assaillant dogon et non dans le quartier peul qui se sent menacé. En revanche le départ des Fama reste sans explication. Qui en a donné l'ordre, et pourquoi ? Des questions sans doute trop sensibles pour que les autorités maliennes y apportent des réponses claires.

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